Messages les plus consultés

Nombre total de pages vues

Messages les plus consultés

Rechercher dans ce blog

C'est quoi ce blog ?

Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

jeudi 12 mai 2011

Simon Wildsmith : Le don de double vue







Cahors, préfecture du Lot, capitale du Quercy, se trouve à proximité d’un monument d’architecture militaire médiévale, différent du célébrissime Pont Valentré ( voir ci-dessus ), implanté dans la roche à Bouziès. Ce vestige a pour nom le « Défilé des Anglais » et rappelle aux visiteurs la Guerre de Cent ans. Si on le regarde d’un peu loin, on aperçoit, surplombant la rivière, l’impérieuse et haute falaise beige bordant la route creusée dans ses flancs. Quelques touffes d’arbres aussi, accrochées à l’horizontale. Il faut se rapprocher ou scruter plus attentivement pour distinguer, bâti de pierres taillées, incrusté dans la muraille de calcaire brut, un fortin discret mais efficace avec ses créneaux et ses meurtrières. Le paysage naturel abrite une intervention humaine et lui concède, pour la dissimuler, un de ses tours de passe-passe et de mimétisme. Ce pourrait être – mutatis mutandis - une œuvre de Simon Wildsmith, cet artiste contemporain dont les œuvres ont la particularité de permettre des lectures à plusieurs niveaux. D’emblée, ses grandes images intenses, colorées, nettes, vigoureuses, sont d’une expressivité évidente et d’un charme esthétique indiscutable… Il ne faut pas s’en tenir là, même si cela pouvait suffire au plaisir des yeux. Il faut aller plus loin. Déjouer les pièges de l’escamotage. Au second regard, les images dévoilent des trésors occultés… Mais ne nous hâtons pas…





Les temps martiaux et cruels où le Quercy était au cœur de guerres terribles entre la couronne de France et la couronne anglaise qui s’en disputaient la possession font partie d’un passé révolu. Mais les Britanniques, et c’est heureux, apprécient toujours le Quercy.
L’un d’eux, précisément Simon Wildsmith, s’est fixé par là, à Savanac, au bord du Lot aux reflets changeants. Artiste, né dans une famille d’artistes, il était environné, enfant, par les émulations joyeuses de la créativité, la profusion des livres et des images, l’influence des grands noms de la peinture…

Logiquement, Simon Wildsmith se découvre tout gamin des ailes pour l’art et se lance, dès l’adolescence, dans leur apprentissage. Il étudie la poterie, la céramique, et toutes les techniques qui s’y rattachent dans une école d’art, « Croydon School of art and design ». Il visite avidement les musées d’art décoratif et s’intéresse surtout à la prodigieuse diversité des vases, des urnes, de tous ces contenants qu’il nomme encore de leur nom anglais, des « vessels ». Les céramistes en ont produit depuis la plus haute antiquité et leur nomenclature révèle une richesse inouïe de formes, de décorations et de revêtements. Le métier de potier et la matière à traiter– la terre, la glaise, le kaolin-, la forme à inventer qui relèvent tout à la fois de l’artisan et de l’artiste, lui plaisent. Une double filiation qui fait sens. « Je préfèrerai toujours, dit-il, une belle poterie à un mauvais tableau ». Il voit des modèles professionnels dans les céramistes de génie : Hans Coper, Lucie Rie et Grayson Perry, plasticien et potier, couronné par le Turner Prize en 2003.

À la fin des années 80, Simon Wildsmith crée à Londres une entreprise tournée autour des arts de la table. Il cible ses créations vers ce marché en expansion du bel objet qui touche la jeunesse consumériste. Dès son premier salon, en 1990, le succès lui est acquis. Les grands magasins prestigieux - comme les célèbres Conran Shop ( Londres, Paris ), Bergdorf Goodman (New York ) ou la Royal Academy of Arts ( Londres ) - commandent ses tasses, ses mugs, ses assiettes, ses vases, ses pièces de forme… sur lesquels il applique des dessins imprimés ou qu’il soumet aux subtilités du « lustro », le lustrage, une technique mise au point en 1518 à Gubbio, en Italie, par Giorgio Andreoli.





Ces décorations à irisations – d’or, d’argent, de carmin…- sont obtenues sur des objets déjà vitrifiés sur lesquels sont appliquées des particules métalliques. Le public adore, suit, achète.



Mais Simon Wildsmith ressent le besoin de se libérer des contraintes commerciales et des aléas des expéditions et de la casse. Il éprouve l’envie urgente de changer d’air. « La création artistique suppose plus d’immédiateté et un retour plus direct. Il lui faut du répondant, de la sociabilité, de la vérité humaine» assure t-il. En bifurquant l’artiste veut trouver une voie qui facilite son contact avec son public.



En 1994, Simon Wildsmith, qui n’a pas encore trente ans, quitte Albion pour l’Hexagone. Il envisage la lithographie, la sérigraphie, ces procédés sur papier, dérivés de la peinture, qui démultiplient le tableau et donnent à l’image une vie plurielle. Picasso, Matisse, mais aussi Andy Warhol et cent autres en ont fait un art majeur. Il découvre alors les vertus de l’impression à jets pigmentaires : une vaste panoplie pour utiliser la couleur dans toute sa puissance. Initié aux arcanes de la photographie numérique, de la palette graphique et aux infinies possibilité qu’elles offrent, il peut désormais donner le jour à toutes ses idées, exprimer ce qu’il a envie d’exprimer. En travaillant l’image grâce aux miracles de la technologie la plus affûtée, il révèle ses intuitions les plus intimes. En produisant des séries limitées de 3, 6, 10 exemplaires, qu’il céde à des prix raisonnables, le travail de Simon Wildsmith, sur des formats de 85 x 85 cm, de 1 m x 70 cm ou même de 1,10 m x 1,50 m se donne à voir dans toute son énergie. Entre le travail captateur de temps de la « pièce unique » ( la poterie ) et la production industrielle massive liée aux arts de la table, l’artiste rencontre avec cet outil un moyen de s’exprimer qui le satisfait. Et un chemin plus personnel vers ceux qui apprécient ses créations.




L’artiste choisit alors de s’installer dans le Lot et de s’équiper dans son atelier de Savanac de la plus récente des installations de création et d’ impression. Il n’ignore pas que dans le même paysage de falaises calcaires, à quelques lieues de là, dans les grottes de Pech-Merle par exemple ( à Cabrerets précisément ) voilà 40 ou 50 000 ans, avec les moyens rudimentaires que leur fournissait la nature, le charbon de bois et l’ocre rouge, des chamans préhistoriques dessinaient sur les parois rocheuses des signes, des figures humaines ou d’animaux, des mains… qui continuent de nous émerveiller et de nous questionner sur l’homme, ses origines et son destin.



Simon Wildsmith porte ses interrogations sur toutes les facettes de notre monde : l’argent, la consommation, la guerre, les religions, les nationalismes, le terrorisme, la fête, le repos des corps... « Je raconte des histoires. Je ne veux pas être cru, je souhaite simplement amener ceux qui regardent mes œuvres à découvrir les choses telles que je les raconte et je les invite à aller vers leurs propres conclusions. Je ne suis pas militant, je suis, disons, engagé, engagé dans la dénonciation des horreurs de notre planète, dans la dénonciation des langages de bois et de l’hypocrisie. »



Une des ses créations les plus récentes intitulée « The Beach », ( « La plage » ) montre un cercle parfait, délicat, finement ciselé et coloré qui suggère, vu d’en haut, un brûleur de gazinière dardant de multiples petites flammes. On s’approche. L’ensemble est en réalité composé de rondes concentriques de petites mouches accolées les unes aux autres, somptueuses dans leur corselet noir, dont la promiscuité crée des zones d’un jaune vif qui dessinent des bikinis. Rien n’est dit, imposé. On peut tout imaginer dans ce spectacle minutieux.



Ainsi, comme pour chacune des créations de Simon Wildsmith, faut-il pénétrer derrière le rideau des apparences et laisser voguer sa propre imagination et son intellect.



JB



Expositions :

2011
Juillet 12 - 29 - La Chantrerie, rue de la Chantrerie, Cahors, France
2008
Octobre - Le Voilier, 61 La Croisette, Cannes, France
Août - Château de Castellaras, Mouans-Sartoux, France
Juin - Linq Communication, Gand, Belgique
Janvier - Espace Municipal d’Art Contemporain, Cahors, France
2007
Juin - Espace Architecture Nathalie Larradet, Pau, France

Céramiques
1997 - Galerie L’Etang d’Art, Bages, France
1992 - M et M Gallery, Tokyo, Japon
1991 - Wilson and Gough, Londres, UK
1989 - Albertson-Peterson Gallery, Winter Park, Floride, USA
1987 - Cré Ceramics, Londres, UK
1986 - The Ashdown Gallery, Sussex, UK
- London Ecology Centre, Londres, UK

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire