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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

mercredi 29 mai 2013

Ventes d'art : Le temps des cerise....







Ce mois de juin,  après un mai  pluvieux, piteux, désespérant, et avant de s’épanouir en mois des cerises, sera de mon avis celui de belles affaires dans les ventes publiques. J’ai pioché avec intérêt dans les catalogues que j’ai reçus depuis une huitaine et j’y ai trouvé ce qui pourrait faire mon bonheur et celui de quelques autres amateurs, j’en suis certain.

Conseil avisé. Avant de partir en vadrouille le nez au vent pour flairer les bonnes occasions, il faut tout d’abord avoir feuilleté l’indispensable et géniale « Gazette de l’Hôtel Drouot ». C’est la mise en bouche nécessaire. L’apéritif qui séduit les yeux et l’esprit. Cet hebdomadaire de Tantale, depuis 1891,-  oui, plus de cent vingt ans-,  donne tant à rêver qu’il ne peut pas combler, bien sur, une soif absolue de beautés et de curiosités, mais il ouvre les voies, les chakras, prépare les chemins, confie des pistes de chasses aux plus futés des amateurs d’art. . .  Sa formule d’édition a été magnifiquement révisée et enrichie. De grandes et belles photographies, des listes de ventes et de résultats, des analyses subtiles, des articles des meilleurs spécialistes. C’est une bénédiction pour les collectionneurs, les amateurs, les rêveurs de peinture, de sculpture, d’objets d’art.

Quant aux catalogues, suivons quelques intuitions.

À Versailles, le 2 juin, chez Perrin, Royère, Lajeunesse, j’ai remarqué une immense table basse de Ron Arad, « Paved with good intention », de 2005, en acier chromé et aluminum poli, 347 cm de long, 140 de large estimée de 50 à 70 000 € ; un miroir d’applique circulaire en lames d’aluminium, de Michel Boyer, de 105 cm de large, estimé de 800 à 1 400 € ; un curieux buffet de Christophe Talec, « Coton » de 2013, entièrement recouvert de verre fondu et thermoformé, estimé de 6 000 à 8 000€ ; au programme aussi, Prouvé, Perriand, Mategot…

Chez Sotheby’s, 76, faubourg Saint-Honoré, à Paris, les 5 et 6 juin vont défiler de très belles œuvres contemporaines. Le5, un grand, un très grand, un immense collier de verre de Jean-Michel Othoniel de 2007( estimé de 60 à 80 000 €) ; une toile de Nicolas de Staël, « Marseille », 1954, (estimation : 1,2 à 1,8 millions d’€) ; le 6 juin, une toile de Wassily Kandinsky « Cercle bleu II » 1925, estimé de 1 à 1,5 million d’€.  Le même jour, Marina Picasso, dans le cadre des causes humanitaires qu’elle défend (au Vietnam pour des enfants et adolescents, à Nice pour des bébés, à Genève pour des adultes handicapés) met en vente deux toiles de son grand-père, le génial Pablo Picasso : « Palette et tête de taureau », 1938 (estimation de 1 à 1,5 million d’€) et « Femme assise en robe grise », 1943, (estimation de 2,5 à 3,5 million d’€).


Chez Pierre Bergé et Associés, au Palais d’Iéna, le 6 juin, passe une belle vente d’art moderne et contemprain. J’y relève, particulièrement attractifs, des dessins ( 4) d ‘André Masson estimés chacun,  de 3 000 à 8 000 € ; un triptyque, lithographie en couleur, de Hans Hartung, 1978,  estimé… de 300 à 400 € ; une gravure de Pierre Soulages, estimée, ele, de 400 à 600 €. Ces deux œuvres, signées,  ( qui vont s’arracher… ) proviennent de la collection de Jean-Paul Ledeur, grand expert, restaurateur extraordinaire et rédacteur actuel du catalogue raisonné de l’œuvre de Yolande Fièvre (1907-1983) dont une vingtaine de dessins figurent ( estimation maximum 1000 €) à cette vente.

Même date, même lieu, même maison de vente. Je signale, parmi 129 numéros, un tableau de Man Ray qui me paraît significatif, « Mythologie moderne », 1955, (estimé de 45 à 60 000€) ; deux gouaches de Georges Mathieu de 1958, (estimées chacune de 7 à 10 000 €) et un tableau de Jean Miotte, ( 197 x 260 cm), de 1974, estimé de 25 à 30 000 €… Idem et ibidem, à 16 heures, pour la vented d’arts décoratifs et design, avec au catalogue Royère, Ruhlmann, Lalique, Brandt, Chareau, Adnet, Roger Capron (bien doté) etc…
On finira, eodem situ, le 6 à 18 heures, par la curieuse vente de la collection conçue autour de la chute du Mur de Berlin, par Sylvestre Verger. Des morceaux du mur, quarante-huit,  récupérés et retravaillés par des artistes contemporains comme Arman, Buren, Chilida, Fromanger, Klasen, Sol Lewitt, Kabakov, Robert Longo, Mosset, Bernard Pagès, Takis, Velickovic…  seront cédés aux enchères sur des estimations très variées.

Piasa, le 7 juin, propose une belle liste d’objets haute époque et de curiosités. J’y ai vu une superbe plaque en marbre sculptée à décors d’entrelacs géométriques se 123 cm x 80, Italie du Nord, VIII ème-IXème siècle (estimée de 8 à 12 000 €); un Saint Jean de Calvaire, de l’atelier de Claus de Werve (1396-1439) provenant d’un groupe de Calvaire avec la Vierge conservée à l’église Saint-Genest de Flavigny-sur-Ozerain, Côte d’or)  et retrouvée en Écosse où elle était retenue depuis plusieurs générations (estimation de 70 à 100 000 €).

Artcurial, les 7 et 8 juin, au Rond-Point de Champs Élysées, consacre sa journée aux bandes dessinées et tout particulièrement à Tintin. Rien n’est au dessus selon moi en matière de BD  (et mon inoubliable rencontre avec Hergé dans ses studios de Bruxelles, voilà 40 ans, n’est pas pour rien dans mon appréciation irrévocable). À 11 heures, le 8, d’abord, les figurines de la saga Tintin : Tintin sur un chameau (1500-2000€) ; dans le cockpit du requin du « Trésor de Rackham le Rouge » (800-1500€) … Collections Pixi, Moulinsart, Nostalgie,  Leblon  Delienne,   Aroutcheff , Nat  Neujan ,  Jean- Marie  Pigeon,   Patrick  Regout… des dizaines de ces petits objets mythiques jusqu’à la Ford T de « Tintin au Congo ». À 14 h, au profit de « Douleurs sans frontières », des œuvre originales de Hergé qui pourraient atteindre des sommets : un dessin à la mine de plomb pour le crayonné de la planche 48 de « Coke en stock » (140 à 160 000 €) ; une encre de Chine pour la copie « de sécurité » de »L’étoile mystérieuse » (160 à 200 000 €) ; des albums dédicacés , des éditions précieuses et rares de tous les titres… C’est la fête à Tintin et Milou. On adore. Il faut y aller.

Jacques Bouzerand
















jeudi 16 mai 2013

"Métamorphoses de Matisse" par Karin Müller


Matisse, folie de couleurs ! Matisse, liberté du trait ! Matisse, génie de la peinture française ! Oui, bien sûr… Henri Matisse, né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis, dans les brumes du département du Nord est sans aucun doute l’un des plus peintres les plus solaires de l’histoire de l’art… Il le demeure aujourd’hui à travers les musées du monde entier, à travers les expositions dédiées à sa gloire. Ou bien, par exemple, dans  ses panneaux « La danse » qui, dès les années 1909-1910, signalaient au monde la créativité inouïe et l’originalité miraculeuse de ce fauve plus fauve que les « Fauves », de ce dessinateur plus vibrant que les artistes les plus vifs…

Et pourtant… De quelle grisaille avait dû s’extirper ce fils de grainetier, devenu péniblement clerc de notaire, pour s’affirmer peu à peu comme un artiste inimitable ! Combien d’oeuvres d’un académisme éprouvé a t-il dû copier, combien de maîtres a t-il dû subir : Bouguereau, l’académie Julian, Ferrier, Gustave Moreau (un magnifique toujours trop méconnu), Carrière… avant de parvenir à sa vérité. Combien de jugements désagréables ou négatifs, de critiques obtuses,  a t-il dû affronter ! Il lui a fallu, pour émerger et s’épanouir, entendre avec le peintre Simon Bussy, un ami, (trop oublié de nos jours malgré une forte cote, vérifiée sur Artprice) Pissarro qui lui assène : « Travaillez et n’écoutez personne ! » Et suivre aussi le conseil – toujours valable - de Gustave Flaubert : « Si on a une originalité, il faut avant tout la dégager. Si on n’en a pas, il faut en acquérir une »… Sans oublier les douloureux problèmes d’argent, les difficultés financières, la pauvreté et même la misère que Matisse dut traverser avant de trouver un marchand, puis un autre, puis des collectionneurs – le Russe Chtchoukine ou les Américains Stein par exemple- qui lui assurent au bout du compte, mais très tard, et lentement des satisfactions puis le bien-être  matériels. Quelle vie ! Ne parlons pas de ses intermittences sentimentales, elle figurent aussi bien dans le livre que Karin Müller vient de publier aux éditions Guéna-Barley : « Métamorphoses de Matisse ».

Karin Müller, auteur déjà de livres très passionnants et remarqués sur Nicolas de Staël et Edward Hopper, possède un véritable talent pour faire revivre des artistes disparus au moyen d’autobiographies recomposées. Ses livres ne dépassent pas les 150 pages et se dévorent comme des viennoiseries. Mais ils savent dérouler avec brio les fils d’une existence dans laquelle la vie et l’art se mêlent. L’art de Karin Müller est de dénicher dans des biographies pesantes et exhaustives les moments qui comptent et qui font sens, qui illustrent et qui expliquent. Un exemple : Matisse, perclus de dettes, n’hésite pas un beau jour de 1898, à acheter pour l’offrir à sa jeune épouse et modèle Amelie, un papillon épinglé dont la couleur bleue lui rappelle « la flamme soufrée du volcan de son théâtre d’enfants » et qui lui coûte 50 francs. Cinquante francs-or, le prix, grosso modo, d’un de ses tableaux à l’époque. Karin Müller sait varier ses modules. Une année entière peut ainsi, tenir en deux, trois phrases. Une visite chez un confrère peintre, Derain, Marquet, Signac, Camoin peut donner lieu à des considérations fouillées... Cette façon d’écrire, avec ses variations, ses modulations sans à-coups, me fait penser à ce qui dans le règne de la musique serait un concerto. Matisse mis en musique ? Pourquoi pas. En compositeur et chef d’orchestre magistral Karin Müller, avec son livre Allegro-Vivace ne peut s’attirer que les « Bravissimo »…

Jacques Bouzerand