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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

mardi 2 novembre 2010

Villepin publie.... Ah si Sarkozy...

Dominique de Villepin publie un livre ( dont l'Express donne les "bonnes feuilles" ) sur Nicolas Sarkozy " De l'esprit de cour ou la malédiction française.. " Un livre au bazooka. Ah, si Nicolas Sarkozy avait des loisirs et la volonté iconoclaste d’écrire un livre de réflexions sur les douze années de « pouvoir » du phare de Dominique de Villepin, Jacques Chirac, on en apprendrait sûrement beaucoup sur les coulisses des exploits de son prédécesseur ! Si Dominique de Villepin fustige la fébrilité de Nicolas Sarkozy ( sans donner acquit à son activité –parfois contestable-), l’actuel président de la République ou tout autre historien de bonne foi pourrait mettre en avant la vacuité de ces douze années là et leur caractère néfaste dans l’histoire de notre pays. Quoi, élu depuis deux ans, sur des thèmes porteurs d’espoir, après un échec patent –et des erreurs colossales - du socialisme au pouvoir depuis deux septennats, Chirac trouve le moyen de refiler la gouvernance – sur les conseils dissolutoires du sus-nommé Villepin – à ces socialistes naguère si décriés. Et à valider par silence et inaction leurs funestes propositions comme les 35 heures et quelques autres aberrations. Il trouve encore l’idée saugrenue, alors qu’il a été élu par 82 % des Français, de nommer Premier ministre le dérisoire et fade Raffarin -au lieu de rassembler un gouvernement d’Union nationale. Puis, ayant épuisé les charmes du futur sénateur de la Vienne- ne voila t-il pas qu’il fait monter en graîne jusqu’à Matignon le Zinzin suprême, son directeur de cabinet, le poète et Tartarin, Galouzeau de Villepin lui-même… un Premier ministre qui n’hésite pas pour garder les rênes à retirer une loi ( sur le CPE ) qui avait été votée par les deux assemblées… Quel courage ! Quelle maestria dans la reculade… Que reste t-il des douze années de Chirac à l’Élysée, que restera t-il dans l’Histoire de notre pays ?? Rien, douze fois rien, un mot peut-être « Abracadabrantesque » qu’on pourrait appliquer au discours actuel de M. de Villepin sur Nicolas Sarkozy .

jeudi 21 octobre 2010

Les 700 Nounours de Bérénice






C'est une des ventes aux enchères les plus originales de l'année. 700 ours et "Teddy-Bears" de collection seront dispersés le 28 novembre à 13 heures à l'Hôtel Ambassador ( 16 boulevard Haussmann à Paris ) par la maison de ventes Lombrail-Teucquam, assistée par l'expert ès-jouets et ès-ours en peluche, François Theimer. La collection avait été rassemblée par une mère de famille, Bérengère Colomes-Nau ( qui se faisait appeler Bérénice parce que… Bear & Nice), et qui est partie rejoindre pour toujours quelque Manège enchanté.



La passion des ours en peluche est fortement ancrée aux États-Unis où, de longue date, les maisons de vente en présentent au public. En France, c'est en 1983 qu'un ours en peluche a été présenté pour la première fois dans une vente aux enchères...


Dans le magazine « Polichinelle », de 1982 à 1986, Laure Faidherbe, une spécialiste, a raconté la saga du « Teddy Bear ». Voilà le récit initial: « Un jour de novembre 1902, le Président des Etats-Unis, Théodore Roosevelt, surnommé dans son entourage « Teddy », part à la chasse aux ours, raconte Laure Faidherbe. Un seule… victime se présente au bout de son fusil, un petit ours sans défense. Aussitôt le Président décide de l'épargner»... ( La vérité plus prosaïque est que, ne rencontrant aucun ours valide, les organisateurs de la chasse ne rabattirent qu'un vieil ours décati que le Président refusa de tuer ). Journalistes, caricaturistes, publicitaires, chansonniers s'emparent de l'événement.

À la même époque, outre-Atlantique, c'est-à-dire en Europe, plus précisément à Giengen en Allemagne, une jeune femme atteinte de poliomyélite, Margarethe Steiff, confectionne depuis 1890 des éléphants en feutre pour les commercialiser. Son neveu, Richard Steiff, qui adore les ours et est allé en voir au zoo de Stuttgart, l'incite à imaginer un petit ours en peluche, le premier du genre. L'ours "PB 55" est montré à la foire de printemps de Leipzig en 1903. Sans succès. Sauf que le dernier jour de la foire, un Américain séduit par la peluche en commande 3000 aux Steiff. La suite coule de source: un décorateur de New York, Hermann Berg, voit les ours en peluches et en achète tout un lot pour décorer la table de mariage de la fille du Président Roosevelt. Un invité s'enflamme et déclare : « Voilà le nouveau Teddy ». Le succès est assuré et immédiat. Steiff exporte aux Etats-Unis des milliers et des milliers de « Teddy Bear ». Un petit bouton est agrafé à son oreille gauche portant la marque Steiff , une marque apparaissant en relief sur ce bouton à compter de 1907, année au cours de laquelle la production d'ours en peluche dépasse le million d'exemplaires.

En Amérique, Morris Mitchom et sa femme Rose inventent et produisent dès 1903 leur propre « Teddy ». Ils sont bientôt suivis par d'autres fabricants américains (Ideal Toy Company ...), allemands (Hermann, Schreyer &Co…) britanniques (ours dessinés par Sybil Kemp, pour J.K. Farnell qui les commercialise chez Harrod's, Chad Valley, Dean's, Merrythought…), français (Pintel à partir de 1921, Fadap, Alfa, Ajéna, Boulgom…). Au fil des décennies apparaitront ainsi "Winnie" ( selon les aventures racontées par A.A.Milne ), "Smokey" (1956), "Paddington" (créé par Michael Bond 1956), "Collargol", "Michka" ( en 1980, mascotte des J .O. de Moscou ), "Philbée", "le Père Noël" ( 1908 ), "Rupert" (1920 ), "Memrod"… Et aussi, plus tard, après la guerre, les célèbres ours souples de la marque parisienne « Anima » créés, à partir des années 1945, comme les panthères, les tigres, les lions, etc… par Suzette Vangelder qui révolutionna l'univers de la peluche en créant des patrons permettant de découper les tissus de peluche dans des formes ne nécessitant, une fois cousues, aucune armature intérieure et donc d'une esthétique et d'un confort inégalés.


Toute l'histoire de l'ours en peluche est mise en scène dans le premier musée dédié à ce produit de l'imagination des grands pour faire plaisir aux petits. Le "Teddy Bear Museum1" a en effet vu le jour en 1984 à Petersfield dans le comté du Hampshire en Angleterre.

Rien d'étonnant donc que les amateurs s'arrachent les peluches qui apparaissent chez les antiquaires ou dans des ventes comme celle-ci organisée par Lombrail-Teucquam. Il y en a de tous les acabits. Antiquités, comme ce "Grand Teddy Bear" d'origine allemande, 70 cm, estimé de 1000 à 1500 € ; habillés, comme «Benoite et Maieul» deux ours vétus, français, avec yeux bleus. H 47 et 30 cm. Estimation : 50 - 90 € ; « Magellan » Teddy anglais de la Ste Chad Valley avec pastille métallique dans l'oreille droite. H 43 cm. Estimation : 75 - 120 €… Mais aussi des ours réédité d'après des modèles anciens… Jusqu'à la vente, les collectionneurs avides d'achats ne vont pas dormir tranquilles. Non, je ne leur dis pas "Bonne nuit les petits !!!" JB



ILLUSTRATIONS :


1) Grand Teddy Bear d'origine allemande, petites réparations. H 70 cm. Estimation : 1 000 - 1 500 €
2) «Benoite et Maieul» deux ours habillés français avec yeux bleus. H 47 et 30 cm. Estimation : 50 - 90 €
3) « Magellan » Teddy anglais de la Ste Chad Valley avec pastille métallique dans l'oreille droite. H 43 cm. Estimation : 75 - 120 €

mardi 19 octobre 2010

Hollande et Villepin chez Guillaume Durand: Gagnant- gagnant

C’était de la télévision. Mais c’était un peu aussi le « rêve français » mis en images et en mots. Le rêve français, celui d’une France qui se retrouve, qui se parle sans s’affronter, qui s’exprime dans un calme propice aux meilleures décisions. Dominique de Villepin et François Hollande, côte à côte sur les canapés de Guillaume Durand ont réussi leur pari et celui de « Face à la France » sur France 2. Dans cette émission décrispée et de bonne tenue où toutes les questions ont pu être abordées sans haine et sans crainte, ces deux grands carnassiers de la politique ont su donner d’eux une réelle image sympathique. Ils se connaissent depuis l’ENA, élèves tous deux de la promotion Voltaire, ils se sont fréquentés, puis ils se sont combattus, ou du moins chacun a combattu les choix politiques de l’autre. Là ils ont retrouvé un air de vieille amitié. Mais ce qui m’a paru le plus important c’est que là l’un et l’autre ont pu donner le meilleur d’eux mêmes. François Hollande a montré qu’il n’était pas le « Flanby » des Guignols de l’info, mais un honnête homme politique qui peut dépasser les options partisanes quand un moment fort de la vie nationale le requiert : sur le vote pour Chirac en 2002, sur la politique d’indépendance vis à vis de Etats Unis dans l’affaire irakienne, dans le vote pour la constitution européenne quand des caciques du PS demandaient que l’on votât contre. Quoiqu’il puisse lui en coûter et il l’a payé. Dominique de Villepin a eu à se débarrasser de son image d’ amateur de cabinets noirs et de complots conte ses têtes de Turc à l’intérieur de la majorité. Quant à son anti-sarkozysme il l’a étayé et justifié à sa manière . De façon plus ou moins convaincante, mais au fond ce n’était pas le sujet. La question était de savoir ce qu’il voudrait pour la France si un jour il arrivait au pouvoir : sa réponse non sans panache et positive. Une France réconciliée, active, allante, tendue vers la réussite d’un modèle. Ce qui m’a frappé dans cette séquence paisible de deux adversaires politiques c’est la qualité de leur discours à tous les deux, leur bon bagage culturel et leur sensibilité, leur humour aussi. On ne sait pas si en 2012 - où l’on a quelque chance de les retrouver au moins sur la ligne de départ - ils sauront conserver ce calme, ce flegme, cette attitude de bon aloi, mais ce serait un joli combat particulièrement digne. Quoi qu’il en soit de l’avenir, Hollande et Villepin, dans l’émission de Guillaume Durand ( avec un excellent Frédéric Bonnaud ) ont chacun gagné plusieurs points d’estime. L’un et l’autre. Une émission de télévision sans dommages collatéraux…ce n’est pas si fréquent. Bravo. JB

vendredi 15 octobre 2010

Alan Davie, l’inclassable.







À quatre-vingt dix ans, avec derrière lui une carrière de plus de soixante-dix années, Alan Davie demeure, toujours, un peintre inclassable. C’est louche, non, un artiste dont la définition échappe aux catégories cartésiennes ? Mais dites-moi, Picasso, était-il un peintre classable ? Et Miro ? Et Dubuffet ? Passons. Mais en toute première urgence, courez rue Guénégaud, à la « Galerie Gimpel & Müller » qui présente – du 19 octobre au 18 novembre 2010 – les toutes dernières créations de cet artiste international et montre la grande toile peinte en 2009 par Alan Davie sous le regard de la caméra de Fabrice Grange. ( On peut voir la vidéo sur : (http://www.youtube.com/watch?v=WgPmkoAR76U)
.

S’il le fallait absolument, ( mais à quoi cela servirait-il de ranger les artistes en colonnes par deux?) j’irais plutôt chercher Alan Davie du côté de Séraphine, de Macréaux, de Chaissac, voire du génial facteur Cheval; d’Alechinsky ou de Basquiat et de tant d’autres pour les plus récents … Il faut regarder aussi, en chaussant des lorgnons antiques pour des artistes bien plus anciens ( et en adoptant un point de vue inhabituel ) du côté de Jérôme Bosch, de Paolo Uccelo, de Rubens même, chez lesquels la représentation figurative s’imposait comme une nécessité et la composition du tableau comme un agencement subtils de corps et de scènes, en réalité de signes… Pour remonter plus loin encore et de façon plus évidente, il faut aller du côté des peintres rupestres vingt fois millénaires de Lascaux, de Pech-Merle ou d’Altamira où les animaux, les mains, les flèches figurées supposaient un lexique ( que l’on a perdu ). Voilà pour les références plastiques, sémiologiques et esthétiques à l’art répertorié dans nos fichiers bien occidentaux. Mais on aurait tort de ne pas appeler aussi à la comparaison les artistes aborigènes d’Australie, les fresques Aztèques, les Ntchak des Kuba du Congo, les pictogrammes des Indiens d’Amérique, les Mandalas, les Tantras etc. On est là plus proche encore peut-être d’une communauté d’inspiration et de formulation. La famille est immense, en tous cas, de ces créateurs d’univers qui ont interprété et façonné le monde réel, banal et plat pour lui donner une dimension poétique et plus encore une profondeur mythique.

En affirmant ce qui précède, je mélange un peu, dans un spectre très vaste, les sensations que l’on ressent ( que je ressens ) devant les œuvres d’Alan Davie. C’est une des forces de ses toiles : elles émettent des vibrations. Elles appellent. Le nom d’Alan Davie m’a été soufflé voilà des années par un autre artiste de grande ampleur, Daniel Humair, musicien de jazz et peintre ( ou bien peintre et musicien de jazz). Il le tenait lui-même du sculpteur américain Harry Kramer (1925-1997) qui lui avait conseillé dans les années 1950 de rencontrer au plus vite cet artiste, peintre et musicien de jazz comme lui. Pour Daniel Humair, Alan Davie est depuis lors un grand parmi les grands. À bien regarder ses tableaux on comprend ce jugement.

L’appréciation est partagée par le marché de l’art. Le site « Artprice » – qui est un des baromètres les plus performants et les plus fiables du marché international de l’art - relève 602 œuvres passées ces dernières années par les plus grandes maisons de ventes aux enchères, comme Sotheby’s, Christie’s, Philips, Artcurial… dont 254 peintures, atteignant de bons niveaux de prix avec un record, un peu exceptionnel, à 287 781 €, chez Sotheby’s le 13 juillet 2007, à Londres.

La cause est entendue. Mais pourquoi donc Alan Davie est-il, dans le ciel de l’art, un de ces points lumineux qui attirent les regards, un de ces points d’ancrage d’où rayonnent les planètes disciples. À mon avis parce que son œuvre est habitée. Dans un passionnant échange de lettres avec James Hyman (entre avril et juillet 2003 ), Alan Davie donne cette explication ( c’est moi qui traduis ): « Mes images ne sont pas à prendre comme des objets d’art mais comme des canaux de communion avec le divin ». Voilà, je pense, la clef qui ouvre l’univers de l’artiste.

L’artiste est alors comme un chamane interprète d’une symphonie qui vient d’ailleurs. « Si l’art est relié à la nature, dans mon cas, l’énergie créatrice et l’impulsion de la NATURE elle-même, trouve son chemin dans moi à travers l’œuvre que je crée » écrit aussi Alan Davie à James Hyman ( je traduis ) . Et cette précision : « Les révélations magiques naissent dans la manipulation de substances matérielles de base. C’est une sorte d’alchimie qui transforme de façon magique les couleurs que l’on pose sur la toile en une vision de formes et d’espace. Une peinture multicolore devient alors un événement lumineux dans le ciel ». Y a t-il besoin d’en dire d’avantage ? La peinture d’Alan Davie, il faut d’abord la voir, entrer dans sa folie, ensuite, elle vous emporte. Loin, très loin des préoccupations quotidiennes, vers une sorte d’Eden multiculturel et dans lequel chacun trouve un peu ou beaucoup de soi-même.

Jacques Bouzerand








artprice






mercredi 13 octobre 2010

Jean Redoulès : Avec l’art pour terroir






Jean Redoulès est un artiste rare. Il est de ces sages qui mènent leur vie en dehors des circuits médiatiques et agités des capitales et qui ont ainsi, de saison en saison, la liberté d’approfondir leur travail en allant toujours plus loin dans leur recherche. Toujours plus près dans l’approche d’un bonheur de création.

Cet homme du terroir, ce Quercynois de profonde souche, a été médecin. Un excellent médecin toujours présent dans les mémoires alors qu’il frôle aujourd’hui les quatre-vingt dix ans. Médecin de campagne à Pelacoy, commune de Francoulès, dans les Causses du Lot, médecin de ville à Cahors. Dans cette France des entrailles à la fois rustique et cultivée, riche de traditions et secrète dans son expression. Autant dire que de l’humanité ( et de la réflexion sur l’humain ) Jean Redoulès connait tous les détours. C’est ce chemin patient et cette expérience dense qui ont nourri son art. Il a été aussi à bonne école : son aîné, son ami de territoire, son frère de pinceaux, de crayons, de couleurs et de formes, était lui-même un des plus grands artistes français contemporains, Roger Bissière. Voisins des mêmes terres arides, ils se voyaient souvent et se plaisaient, dans l’atelier de La Boissièrette, près de Cazals dans le Lot, à se poser mutuellement les questions que les artistes se posent sur leur métier depuis que l’homme a eu l’éclair, l’envie, l’idée, comme à deux pas de là, dans la grotte de Pech-Merle, à Cabrerets, de fixer pour l’éternité – ici sur une paroi rupestre - leur paysage mental. Puis d’autres après eux…

À cette passion, Jean Redoulès, à Cahors, à Saint-Michel de Cours, s’est exercé sous de multiples formes. Et chaque fois, sur le papier, sur la toile, dans des sculptures, des constructions… il a tenté de donner à son imagination la traduction exacte. Ces œuvres ont été montrées, ici ou là, à quelque trop peu fréquentes occasions. Ainsi, dans les beaux murs cisterciens de l’Abbaye de Beaulieu-en Rouergue, sauvée voilà des années par Pierre Brache et Geneviève Bonnefoi, on a pu voir ses « portes » sombres, rurales, mystérieuses, ouvrant sur l’inconnu. Au Musée Henri Martin de Cahors, régi avec intelligence par Laurent Guillaut, Jean Redoulès déployait, en 2001, toute sa panoplie dans une belle rétrospective intitulée « Chemins de terre ». Il y avait là de beaux pastels à l’huile inspirés par les incitations sous-jacentes de l’actualité et de la rumeur du monde; des « Incisions », pratiquées à l’Opinel n° 8, sur des feuilles de Canson blanches, colères puissantes et retenues, traces de moments, graphies intimes, jeux de lumières ( blanc sur blanc ) ; et une cinquantaine de statuettes de buis travaillé au couteau, au burin, au ciseau à bois, figurant de petits personnages, lutins, trolls… Dans la salle du Temple, à Caussade, un choix de ses œuvres rappelait sympathiquement leur diversité et leur complémentarité.

Jean Redoulès était présent, en 2007, dans le circuit « Chemin des Arts » avec neuf autres artistes vivant dans le Lot: Christiane Le Guen, Alain Prillard, Christian Destieu, Pierre Prévost, Pierre-Jérôme Atger, Dominique Garnal, Georges Guiard, Michel Dupuy, Philippe Quirin. Présent aussi au château de La Roussille, à Pradines, où Marie-Pierre et René Bonnave, avaient invité en juin 2009, Jean Redoulès ( Sculptures en Hommage à Morandi) , Jaco ( Jérôme Bosch, l'Afrique, la musique ), Rosi Larapidie ( peintures autour du cirque, des oliviers ) ainsi qu’ Alain Turpault ( photos sur le Mali ). Etc. etc.

L’exposition organisée par Commune-Art à la mairie de Francoulès du 23 octobre au 12 novembre – conjointement avec des œuvres de Jean-Pierre Rodrigo ( Voir : http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/lire-article-350977-1841742-jean_pierre_rodrigo__cactus_et_vibrato.html) montre les plus récentes peintures de Jean Redoulès. Je ne les ai pas encore vues. J’ y courrai, dès que possible, ayant hâte de découvrir les nouvelles trouvailles inventives, la vivacité jamais en défaut de cet « honnête homme », policé, cultivé, attentif, qui a fait de la médecine sa philosophie et de l’Art son domaine d’évasion et d’accomplissement.

Jacques Bouzerand

dimanche 3 octobre 2010

Tunga: de l'autre côté du miroir...




Passer de l’autre côté du miroir... Pas tellement pour voir ce qu’il y a, mais pour percevoir le chemin dans le détail et analyser l’épreuve du Passage. Pour goûter comme un vin précieux et tout en subtilités les phases de cette initiation. Voilà ce que Tunga propose dans les deux galeries de Marussa Gravagnuolo et Christine Lahoud, « Pièce Unique » et « Pièce Unique Variations », à Saint-Germain-des-Près.

Tunga ( c’est le nom qu’avant même sa naissance son frère, son aîné d’un an,
avait donné à Antonio José de Barros Carvalho e Mello Mourào ) est un des artistes contemporains brésiliens les plus célébrés internationalement. Il est né en 1952 à Palmares, dans l’état de Pernambouc, il a fait ses études d’architecte puis s’est lancé dans la sculpture-installation. Basé à Rio de Janeiro, mais en perpétuel mouvement d’un continent à l’autre, il a montré ses œuvres dans les espaces les plus prestigieux : au Musée du Louvre, à la Documenta X, à la Galerie Nationale du Jeu de Paume, à la Fondation Cartier, à la Biennale de Lyon…Chacune de ses œuvres est le moment d’un discours global et en évolution qu’il tient sur le sens de l’art et son impact philosophique. À la Documenta X de Kassel l’œuvre qu’il montrait était décrite par lui comme « une sorte d’oracle, le retour à la divination, au sacré dans l’art ».

Le sacré, le mystère, les forces cachées imprègnent la pensée de ce lecteur de littérature, de livres de sciences d’hier et d’aujourd’hui, de philosophie, de théâtre, de psychanalyse… Sa référence à l’alchimie est évidente dans les œuvres qu’il présente à la galerie Pièce Unique sous le titre « Vers la voie humide ». Ces œuvres sont de trois natures mais liées entre elles par leur signification . Dans une installation à double portique de métal, Tunga a placé dans une des ouvertures un énorme cristal de roche rosé suspendu à mi-hauteur par des filins d’acier. Ce cristal – composé lui même comme tous le cristaux de myriades de cristaux de plus en plus minuscules jusqu’à l’infini selon la chimie la plus classique - agit comme un aimant qui attire la vue et l’esprit vers sa composition intime et comme un diffracteur d’énergies : quel cristal va absorber en un cristal encore plus volumineux ce cristal suspendu ? Le mouvement peut aller dans les deux sens vers l’un ou l’autre de ces deux infinis que pressentait Pascal.

Dans la seconde ouverture du double portique Tunga a coincé au centre d’une corolle dense de magnétites à reflets argentés qui la maintiennent en vue et en équilibre une fiole en cristal, semblable aux cornues des alchimistes. La fiole est vide. C’est ce que l’on peut croire. Mais dans la réalité, elle est traversée par les flux magnétiques antagonistes des aimants autour d’elles qui l’emplissent d’une plénitude non visible mais puissante. Tout ce que l’on voit à travers le cristal de cette fiole, de l’autre côté, est filtré, nourri par cette intense magnétisation. C’est là que s’opère la transmutation.

De là on passe au deuxième type d’œuvres présentées. Il s’agit des miroirs. Il captent et renvoient les images qui se matérialisent les unes après les autres lorsqu’on fait l’effort de progresser dans la connaissance. Couches superposées du miroir, du dessin, de résines diaphanes et légèrement colorées… chacune portant son sens, son niveau dans la quête philosophale. Chaque couche conserve sa propriété mais se marie aux autres en une formulation esthétique et signifiante . « Si on met une couche, de farine, une couche de sucre, une couche de beurre… dans la vie, ça ne fait pas un gâteau. Dans l’art si… »

Le troisième type d’œuvre est celui des dessins, des « phanographies ». Sur de grands papiers pour l’aquarelle, faits à la main et bruts, sont tracés au pastel sec des scènes que l’on pourrait prendre pour des scènes érotiques où s’enchevêtrent des corps, mais qui sont plutôt des cérémonies orgiaques, c’est à dire sacrées. Elles mêmes traduisent la fluidité et le passage des êtres et la permanence – travers leur fusion. L’espèce liquide. Mais plus encore, ces dessins sont à lire en plusieurs dimensions, se jouant des échelles. Ici apparaît un visage, là où l’on ne voyait que des jambes ou des bras. Et cela dans une ronde de sensations qui se traduit en une sorte de vertige où tout finit par se relier. Du tracé de pastel constitué lui même de minusculissimes cristaux, aux miroirs et au portique tout se tient, tout se combine en une parabole, en une vision de la condition humaine. C’est très beau et cela donne du grain à moudre. Que demander de plus à l’art ?

JB




TUNGA
"Vers la Voie Humide", 2010
Quartz, aimants, acier, carafe en verre
cm 190 x 140 x 100
croix; cm 130 x 80
hauteur totale: cm 310



"Desenho Protuberante" 2, 2010
Aquarelle sur papier, acier, pierre, résine epoxy
cm 75 x 59 x 8


Desenho Erotico 1, 2010
drawing on paper Pastel Larroque Aquarelle
cm 112 x 74
framed: cm 116 x 78

mercredi 29 septembre 2010

Tintin et Milou : au rendez-vous des souvenirs...




© Hergé – Moulinsart 2010

Il apparait de plus en plus évident que Tintin est le grand héros du XXème siècle. Quand on sait que Charles De Gaulle avait vu dans ce personnage né dans l’imagination fertile d’Hergé, ( Georges Remi, 1907-1983 ), son seul véritable rival. Quand on a lu que Laurent Fabius classe Hergé parmi les douze grands peintres de l’histoire de l’art ou que l’académicien Michel Serres en fait un sujet de profondes réflexions… on ne doute plus.

J’avais 7 ans quand j’ai découvert Tintin, il ne m’a plus quitté. Et lorsqu’en 1975 je suis allé interviewer Hergé à Bruxelles dans ses bureaux et quand celui-ci m’a dédicacé un volume de « Vol 714 pour Sidney » en accompagnant son petit mot sympathique d’un portrait dessiné de sa plume de Tintin avec Milou, j’étais aux anges. Pensez : j’étais dès 1948 membre du Club Tintin.

Foin de nostalgie personnelle, voici de quoi raviver pour chacun tous les souvenirs liés à Tintin. Deux superbes ventes vont en effet se dérouler prochainement. La première, celle de « L’univers du créateur de Tintin », montée par Artcurial aura lieu le 9 octobre à 14 heures en l’Hôtel Marcel Dassault des Champs Élysées à Paris. La seconde, la vente « Hergé », sera organisée par Piasa le 10 octobre à 11 heures puis à 14 heures dans l’Orangerie du Château de Cheverny. Pourquoi ce château ? Parce que c’est celui qui a servi de modèle pour le château de Moulinsart, bien connu des tintinophiles.

Lors de la vente Artcurial on trouvera ainsi l’édition complète de l’édition française du « Journal de Tintin », du numéro 1 au numéro 1276, dans les reliures d’éditeur du n°1 à 94, estimée de 6 000 à 8 000 € ; les volumes de tous les albums de Tintin, de « Tintin au Congo » ( 1946 ) estimé de 4 000 à 5 000€ ; « les Cigares du Pharaon » (1942) à grande image, estimé de 25 000 à 30 000 € . Mieux, les pages originales 93 et 94 du « Sceptre d’Ottokar » (1939), estimées de 250 000 à 300 000 €… Et plus nombreux, des crayons de couleur, puzzles, cartes de vœux, objets décoratifs… Au total, 428 lots pour satisfaire toutes les envies.

Lors de la vente au Château de Moulinsart, Piasa propose de son côté 395 lots. D’entrée, le matin, une profusion de figurines ( Pixi ; Moulinsart ; Aroutcheff ; Leblon-Delienne …), de plaques émaillées et des tapis : estimations variées de 150 à 3 000 €. L’après-midi, on arrive aux journaux et périodiques, puis on passe aux albums comme « Les aventures de Tintin, reporter du petit vingtième au pays des Soviets » ( 1930), estimé de 8 000 à 10 000 €. ; « Les aventures de Tintin et Milou en Amérique » (1934), estimé de 35 000 à 40 000 €… ; tous les albums dans des éditions originales ou reamarquables.. Il y a aussi des dessins originaux : « Tintin, Milou et les animaux du paradis » , encre de chine et aquarelle, 10 000 à 15 000 € par exemple.

Une des pièces les plus extraordinaires de cette vente est le lot N° 335. Il s’agit du plan et de l’acte de vente du château de Moulinsart. Ce lot comprend également un exceptionnel ensemble composé de 1) l’acte de vente publique factice du château de Moulinsart signé de façon manuscrite par le notaire Charles Stasse. 2) « Les Aventures de Tintin au pays des Soviets ». Édition spéciale des Studios Hergé. 1969. Exemplaire n° 455 sur un tirage de 500. Album reproduisant la couverture originale à l’intérieur, dédicacé à l’encre noire « A Michel Van den Bergen, géomètre-expert de Moulinsart et prince de l’imagination cadastrale. Avec le cordial souvenir de Tintin, Haddock et Hergé» signé par Hergé, agrémenté d’un dessin représentant la tête de Tintin et de Milou, daté du 12 octobre 1976.. Bel exemplaire, quelques traces d’usure sur la couverture. 3) « Le Trésor de Rackham le Rouge » Casterman. Tirage spécial pour les journées notariales de Belgique en 1985. L’album comporte un autocollant jaune sur la couverture et un cahier broché numéroté sur 1000 exemplaires (n°2) dans lequel figure le fac-similé de l’acte de vente notarié du château de Moulinsart, le plan du château et des dépendances. Dédicacé par le notaire au géomètre-expert en 1985. C’est d’après leurs travaux que l’acte de vente factice a été réalisé et tiré à 4.000 exemplaires dont 1.000 exemplaires numérotés ont été donnés aux notaires à l’occasion des journées notariales organisées à Tournai, les 26 et 27 septembre 1985. Estimation du lot: 5 500 /7 000 €.

Intenses bagarres à prévoir dans les enchères.


ILLUSTRATIONS:


Lot N°151. "Les Aventures de Tintin et Milou en Amérique" Édition Ogéo, collection Cœurs Vaillants. 1934. Album d’un plus petit format que les albums Tintin noir et blanc parus aux éditions Casterman (dimensions :27 cm x19cm). Dos toilé vert. Dessin du premier plat identique à celui de l’édition parue en 1932 aux éditions du Petit « Vingtième ». Différents textes ont été remaniés afin de l’adapter au marché français et aux éditions Cœurs Vaillants. Rarissime exemplaire, le tirage est de seulement 2000 exemplaires, suivant une étude. État exceptionnel, intérieur dans un état d’une grande fraîcheur, certainement un des plus beaux exemplaires apparus en vente publique depuis 15 ans. Cet album, vu ses dimensions et sa fragilité, est quasiment introuvable dans une qualité comparable. Estimation : 35 000 / 40 000 €
© Hergé – Moulinsart 2010





Lot N° 335. Le plan et l’acte de vente du château de Moulinsart. Légende de la photo : - le plan du château de Moulinsart signé conjointement de manière manuscrite par Hergé et Bob de Moor, en 1976.
© Hergé – Moulinsart 2010

mardi 28 septembre 2010

Croisières André Citroën: la vente nostalgie



Je ne sais pas vous, mais moi cela me fait rêver. Ah, ces missions André Citroën à travers l’Afrique dans les années 1920-1930 ! Mais oui, c’était hier. Enfin… presque. Tous ceux qui ont dépassé le demi-siècle d’existence ont été bercés par les récits de ces traversées en territoires inconnus. La traversée du Sahara, la traversée de l’Afrique de la Croisière noire, le périple Paris-Pékin de la Croisière jaune… Louis Audouin-Dubreuil, chef eb second des Missions Citroën, fut un des principaux artisans de ces prodigieuses aventures. Et le magnifique collectionneur des souvenirs amassés : tableaux, photographies, affiches, lettres, timbres, armes, vaisselles, bijoux, étoffes, vêtements, chapeaux, objets… Longtemps, sa fille Ariane fut à travers des expositions, des conférences, des articles, des livres, le chantre, le griot de cette découverte du monde. Aujourd’hui, l’âge venant, elle a décidé de faire vivre autrement ces vestiges du passé en leur offrant une nouvelle existence chez de nouveaux amateurs, de nouveaux collectionneurs. Ils seront nombreux à venir acquérir ces petits trésors lors de la vente organisée par Aguttes, le 18 octobre, à Drouot-Richelieu. Un somptueux catalogue rassemble les images et leurs descriptifs fouillés. Exposition les 16 et 17 octobre à l’Hôtel Drouot.

Catalogue visible sur : www.aguttes.com

lundi 20 septembre 2010

L’œuvre si secrète de Manuel Alvess





Comment m’est parvenu le travail de l’artiste portugais Manuel Alvess ? Et comment le transmettre à d’autres et à d’autres pour faire émerger sur la scène française de l’art, cette œuvre riche et puissante, hélas close, Manuel Alvess étant mort en 2009? L’interrogation n’est pas innocente. Ni nouvelle, ni simple. Elle pose l’éternelle question des relations de l’artiste avec le public. La réponse est plus épineuse. Elle tient pour une large part des hasards de la vie. Mais elle fait apparaître la difficulté éprouvée par le créateur, seul devant sa toile ou dans son atelier à établir une relation avec le monde extérieur qui le concerne pourtant au premier chef, l’univers des amateurs d’art.

Or ce public là multiple, divers, dispersé, en même temps que d’un nombre réduit…, est en fin de compte, ( que l’artiste le veuille ou non ), sa cible dernière: l’art peut bien naître dans la solitude, il ne vit que dans la confrontation avec ses regardeurs. ( Nous parlons des arts plastiques ). C’est dire que les passeurs, les intermédiaires sont nécessaires. Galeries, critiques, musées, institutions… ont pour tâche - et pour raison d’être - de permettre et de favoriser l’accès ( physique, sensible et intellectuel ) du plus grand nombre aux œuvres. Ils y parviennent assez bien au total. Mais dans les marges, hors des grandes allées bien tracées, dans des chaumières, des manoirs, des châteaux alentour, beaucoup d’artistes, pour toutes sortes de raisons, échappent au recensement, et ne bénéficient pas de la « publicité », de la notoriété, qu’ils mériteraient. . . Et plus le temps passe, plus il est difficile de surgir de l’ombre à la lumière, comme l’a fait pourtant, naguère, l’œuvre de La Tour, rescapée du XVIIème siècle.

Dans le cas de Manuel Alvess, et dans le paysage artistique français tel qu’il est constitué, cette mise à portée ne va aujourd’hui pas de soi.
Pourtant, Manuel Alvess, n’est pas un artiste du bout du monde, ni d’un autre temps. Ce n’est pas non plus - et loin s’en faut - un inconnu au bataillon. Il a fait ses classes dans le périmètre et gagné des étoiles sur plusieurs champs de bataille artistique. Né à Viseu, au Portugal en 1939, il s’est établi en France, plus encore à Paris, dès 1963 après des études aux Beaux-Arts à Lisbonne. Il avait exposé deux fois déjà au Portugal, en 1959 et en 1961, lors qu’il participe, à Paris, en 1963, au Salon des Surindépendants, ces artistes qui refusaient plus que d’autres les carcans et les écoles. Il montre des tableaux à Amiens en 1965, à Ostende en 1968. Il y obtient le Prix Europe peinture. Il est présenté au 17ème Salon de la Jeune Peinture au Musée d’art moderne de la ville de Paris en 1966. En 1969, il y revient et participe à la Biennale de Paris. De 1971 à 1977, il se fait remarquer par des performances, au Salon de Mai, à la Biennale de Paris, à Paris, à Genève, à Lisbonne, à Porto… Il est un des initiateurs de l’ « art postal » dont on voit les inventions à Barcelone, à Avignon (1980), à Troyes (1983), au Musée de la Poste à Paris (1995), à Porto (1997). En 2001, il entre au Musée d’art contemporain de la Fondation de Serralves à Porto, à la Fondation Gulbenkian (en 2007). En 2008, le Musée de la Fondation de Serralves lui consacre une grande exposition personnelle. En 2010, de janvier à juin, il est une des pièces maîtresses de l’exposition des artistes de la Fondation, en Bretagne, au Domaine de Kerguéhennec, espace d’art contemporain.

Malgré cette relative visibilité et ses démonstrations évidentes de créativité, Manuel Alvess, dont la renommée est forte au Portugal, ne compte toujours pas pour autant dans les noms les plus célébrés de la scène artistique contemporaine internationale. Pourquoi disais-je ? L’une des raisons les plus criantes est, à mon avis, la discrétion dont Manuel Alvess a toujours entouré sa production. Dans la préface du volumineux catalogue qui lui est consacré en 2008 par le Musée Serralves à l’occasion de son exposition, Joâo Fernandes et Sandra Guimarâes parlent de lui comme « l’artiste le plus secret et le plus singulier que le Musée ait jamais présenté ». Plus explicite encore, l’ « interview » de Manuel Alvess dans ce même catalogue qui devrait être une réponse à un questionnement est constitué d’une seule série de questions liées entre elles posées par Alvess lui-même et dont la dernière est celle-ci : « Quel sens a votre sens ? »

Manuel Alvess vivait dans son studio de la Place de la Bastille entouré de toutes ses toiles, de tous ses objets, soigneusement rangés dans les moindres recoins, emballés dans des sacs de tissus adéquats bien ficelés. L’œuvre quasi complet y était au secret, comme s’il s’agissait de le protéger de la divulgation. De le mettre à l’abri pour l’artiste lui-même et seulement pour lui. D’artiste à autiste, il n’y a qu’une lettre de différence. L’autiste dans ce cas ne serait-il pas l’artiste qui manque d’air ? Manuel Alvess manquait en tout cas de cette propension de beaucoup à s’agiter dans tous les sens pour parler et faire parler d’eux. Ce n’était pas son genre, ni sa personnalité. Peut-on lui reprocher sa discrétion ? Elle a certes desservi sa popularité, mais elle a sans doute contribué à l’approfondissement de son art.

Cet art, il faut l’évoquer, car il est de premier plan. En 1973, Jean-Marc Poinsot, historien de l’art contemporain et professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Rennes 2, écrivait : « Du tableau à l’objet et au geste, Alvess a fabriqué des ambiguïtés à voir. Ce mot n’est pas péjoratif, il désigne une série d’œuvres qui tirent leur intérêt non pas de leurs qualités stylistiques mais des questions et étonnements qu’elles soulèvent, de l’incongruité des formes et des objets ».

Chacune des oeuvres de Manuel Alvess est en effet une mise en questions de la réalité qu’il découpe dans le réel. Ainsi cette série des tableaux des années 60 où des trous à l’emporte- pièce sur la surface blanche s’ordonnent ou se désordonnent en fonction d’un discours sur l’uniformité, la différence, la série, l’organisation, l’exubérance… De même que la série des étiquettes des années 70. Ainsi cette idée de pendule où manquent les aiguilles et où les 12 chiffres des heures repris des pendules classiques du XIXème siècles s’alignent au bas de la toile.

Dans ses objets manufacturés avec un soin extrême Alvess atteint souvent la perfection de l’Ironie, au sens socratique, au sens philosophique. Le coffret de bois clair de dix pièces de 1970, ne contient que les dix lettres qui servent à écrire « dix lettres ». Le coffret « Grille d’aération » de 1970, contient une petite grille d’aération. Lorsqu’on bouge la tirette qui en principe permet précisément l’aération, apparait alors dans les prévus pour faire passer l’air, le mot, répété : « air », et la notice indique : « Le texte est une entité en soi. Il fera toujours écran au sujet ». Dans un autre coffret, Manuel Alvess a disposé un « sézimètre », une sorte de centimètre de couturière, mais extensible à volonté. Et il écrit : « En utilisant son extensibilité le sézimètre d’Alvess est le seul instrument du monde capable de mesurer juste ». Dans un étui semblable à ceux qui protègent les violons ou les fusils de grande marque et parfaitement ajusté à son objet, Manuel Alvess a déposé un balai à grandes pailles vertes. La pièce, de 1997-2007, s’intitule « Propreté de Paris » Sur une corniche de pierre sculptée à la grecque de feuilles d’acanthe, Manuel Alves a posé, retenu par une lourde chaîne et comme s’il s’agissait d’un chef-d’œuvre attirant toutes les convoitises, un simple bloc informe… Et puis, il y a les photographies, les lettres, les dessins… On n’en finirait pas de décrire avec gourmandise, sourire, fou-rire, perplexité… les mille et une trouvailles de cet inventeur de génie que fut Manuel Alvess.

Mais pour que tout ce travail patient, élaboré, intelligent, malin, drôle, profond… trouve enfin son but, celui de la reconnaissance publique, il faut qu’il sorte des réserves et qu’il trouve sa voie d’expression. Qu’il revive. Qu’il vive.

jeudi 16 septembre 2010

Antoine de Margerie : après Mondrian




Antoine de Margerie a d’abord été un peintre figuratif aux couleurs chatoyantes. Peu à peu, à la trentaine, le jeune homme, né en 1941, se convertit à l’abstraction. Non pas celle, lyrique ou échevelée d’un Mathieu, d’un Sam Francis ou d’un Olivier Debré, mais à l’abstraction géométrique dont les canons sont hérités de Mondrian ou de Malevitch. Dans cette peinture l’esprit domine la matière. Le cerveau maîtrise les élans du corps et du cœur. La réflexion et l’analyse de l’espace précèdent le geste du pinceau qui se fait discret, parce qu’il n’est que l’outil au service du peint. Dans « le combat de la ligne et de la couleur » que théorisait Yves Klein, Margerie n’a pas opté pour la couleur seule, il a accepté la règle de la ligne. Ce constructeur en a joué pour déterminer les à plats qui composent le tableau.

Les plans ainsi constitués, se marient calmement, se superposent plutôt qu’ils ne s’imbriquent, chacun demeurant maître de son destin. Mais dans cette Babel à deux dimensions il n’est pas question de perdre la tête et le sens dans la multiplication des langages. C’est la couleur qui vient calmer les tensions ou plus exactement les rendre vivables. Et c’est bien là que l’on perçoit la science de l’artiste. Ses apparents monochromes sont dans la réalité de la toile peinte constitués de myriades de tonalités si finement interpénétrées qu’aucun déséquilibre sensoriel ne perturbe la contemplation. Lors du vernissage de l’exposition organisée à la Galerie Gimpel &Müller, 12 rue Guénégaud, du 16 septembre au 16 octobre ; une phrase prononcée par un autre artiste, le Chilien Ivan Contreras-Brunet, en visite au vernissage, a fait sens. « Margerie a réussi à échapper à Mondrian, quand nous en sommes toujours prisonniers ». Dans son travail Antoine de Margerie a aussi abordé la gravure ; pointe sèche, aquantine…: ses qualités s’y retrouvent. Antoine de Margerie, qui était un des piliers du Salon des réalités Nouvelles, a hélas disparu en 2005, mais son œuvre, dans sa singularité et dans son homogénéité, fait de lui un des artistes les plus significatifs de l’art contemporain. Le critique d’art Anne Tronche lui a consacré un très beau livre que viennent de publier les Éditions du Regard.

mercredi 15 septembre 2010

Sur l'"art contemporain" ( et Laurent Fabius... )

Et si on essayait, d'abord, de savoir ce qu'est "l'art contemporain" ? Pourquoi, derrière ce label commode que beaucoup rendent simpliste, tant de Français ne pensent qu'à certaines expériences qu'ils n'essaient ( surtout ) pas de comprendre ? Même Laurent Fabius, pourtant cultivé et entouré d'amis qui ne partagent pas ses préventions, se permet d'écrire dans son dernier livre (1): " La plupart des oeuvres - en majorité anglo-saxonnes - qui désormais triomphent internationalement sont des machines à fabriquer des excréments, des animaux en morceaux rangés dans des caissons de formol ou des fleurs en plastique géantes " Il répond dans "Le Point" à Jean Pierrard qui le questionne sur ce condensé d'impensé radical: "Oui, j'appelle cela par dérision l' "ESS" : l'école snobo-spéculative. Il me semble que cette école ne manque pas de disciples parmi certaines oeuvres récentes."

Voilà bien un nanti de la culture qui se fait, pour s'attirer des sympathies primaires, aussi bête qu'un Le Péniste moyen. Je n'ose imaginer que l'ancien Premier ministre de François Mitterrand croit une seconde à ce qu'il dit. Ou bien c'est à désespérer de Normale Sup... et de l'intelligence et de l'esprit d'ouverture français. C'est à se demander aussi comment l' héritier d'un grand marchand d'art et l'actionnaire actuel et actif d'une belle maison de vente aux enchères française comme PIASA ( qui a ouvert voilà quelques années un département "Art contemporain" ) peut simplifier à ce point le travail et, en amont, la réflexion des artistes contemporains qu'il vilipende.

Même lorsque ceux-ci produisent des oeuvres apparemment aussi peu "artistiques" que le veau dans le formol de Damien Hirst, ou dans les extravagances de Vim Delvoye, il faut lire, derrière, le sens qu'ils donnent à leur oeuvre. Ce serait à désespérer de l'art si on ne voyait que ce qu'on nous montre. À cette aune "Le poireau" de Manet ne serait que la représentation d'un poireau... "Peinture potagère, culinaire... " donc ?


Il n'y a pas d'"art contemporain", il n'y a que des artistes contemporains, aussi différents les uns des autres ( pour ceux qui comptent, c'est à dire qui ouvrent des pistes ), que l'ont toujours été les artistes qui ont marqué l'histoire de l'Art. De Kandinsky et Kupka, voilà cent ans, à Bernar Venet et Cy Twombly, il y a des trajectoires, comme il y en a entre Toulouse-Lautrec et Robert Combas; entre Piero Manzoni ( mort en 1963 ) ou Gasiorowsky et Damien Hirst... Encore faut-il essayer de comprendre ce que ces artistes ont voulu exprimer dans leurs oeuvres fussent-elles apparemment triviales. Encore faut-il connaître un minimum d'histoire de l'art... et ouvrir ses yeux.

Quand Yves Klein expose "le vide", quand Arman compose en objet d'art des poubelles d'artistes ( voilà un demi-siècle... ) ils ont inventé des concepts, créé des formes et des lieux de réflexion, ils ont ouvert des univers. Ils n'ont pas demandé à être gobés par les Béotiens. C'est en se posant des questions sur les phénomènes qui conduisent un objet à être collé à un autre ( je simplifie ) que Pierre-Gilles de Genne s'est acheminé vers le Prix Nobel de Physique. Fabius aurait, sans doute, bien rigolé de le voir tripatouiller de la Seccotine... En France, pays où tout le monde est très/trop malin, on ne cherche pas à comprendre les artistes... La preuve: l'art est banni de l'école. Banni en effet, l'art commun, celui qui fait dans le beau, en tout cas dans "le beau" tel que l'apprécient les paralysés de la doxa, les englués du bon sens commun, celui des ploucs: formes, couleurs, imitation. de la nature... Mais on s'en doute, chassés, ignorés, rejetés l'art moderne et bien plus encore, "l'art contemporain". Il ne faut pas s'étonner que d'autres pays où les yeux et les cerveaux sont moins fermés ( je pense à l'Allemagne, aux pays nordiques, à la Grande Bretagne, aux Ètats-Unis, à la Corée, au Japon... ) nous laissent loin derrière eux lorsqu'il s'agit de considérer ce que disent les artistes d'aujourd'hui.

Le vieux débat usé sur l'"art contemporain" que relancent parfois les papys et mamys de la pensée artistique n'a finalement que peu d'importance. Beaucoup de jeunes et de moins jeunes, et de plus en plus nombreux, ne s'en laissent pas conter par les aveugles à cannes blanches et à oeillères: il visitent les expositions, les galeries, Beaubourg ( de Paris ) et le Centre Pompidou de Metz, la Fiac, Art Basel, Frieze à Londres... Ils s'initient, s'accaparent les nouvelles formes d'expression... Ils vivent l'art qui poursuit son chemin... malgré les barbons.... et les anciens premiers ministres engoncés dans leurs certitudes. JB

(1) "Le cabinet des douze" de Laurent Fabius, Gallimard, 2010.

À lire aussi: http://www.fluctuat.net/7295-Art-contemporain-Fabius-Le-cabinet-des-douze

lundi 13 septembre 2010

Matthieu Galey ( 1934-1986 ) : Éblouissant écrivain !

Le propre d’un grand écrivain est d’être universel et intemporel. On peut le lire avec plaisir et profit longtemps après que l’encre a séché. Matthieu Galey, hélas disparu trop jeune, en 1986, n’a pas laissé Le grand roman que son talent, son intelligence, son humour, sa plume auraient pu/dû lui faire écrire. Nous aurions eu avec lui le Balzac ou le Proust des années 50-80. Matthieu Galey a bien écrit quelques livres et plusieurs traductions de pièces de théâtre ( Albee, Tennessee Williams, Simon Gray… ). Mais c’est surtout, Grasset soit loué, son journal, publié en deux volumes en 1987 et 89, que l’on tient de lui. Et qu’on ne lâche pas… Voilà, jour après jour ou presque, sur près de 900 pages, un somptueux de carnet de notes élaborées, un recueil éblouissant de peintures ou d’esquisses de portraits du Paris des Lettres et de l’édition, des salons littéraires hérités d’un autre siècle avec de personnages surgis du Gotha, du Bottin Mondain, du Palace ou du Jockey Club – (Les La Rochefoucauld, les La Baume…), liés d’une manière ou d’une autre à la littérature ou au théâtre. Et le vibrant récit de lui-même qui vibrait à l’une et à l’autre. Il y a dans ce journal de véritables bijoux dans les portraits qu’il cisèle, au hasard, de François Mitterrand, Nathalie Sarraute, Catherine Clément, Daniel Boulanger, de cent autres… Quelques mots lui suffisent pour croquer au vif un personnage… Au fil des ans la dent devient plus dure, le style plus scintillant, la plume plus alerte…

Toujours amusé, Matthieu Galey nous fait le cadeau l’intelligence de son regard. Le livre est aussi, au plus personnel, le portrait d’un garçon du demi-siècle, libre dans sa vie et ses rencontres qui voyage, vit, respire l’air de son temps et profite en esthète des moindres occasions de jouissance. Chasse éperdue… Contre la montre contre la mort… Une injuste maladie rare et incurable, la sclérose latérale amyotrophique, finira par avoir raison de son dynamisme et de sa vie. Il avait 52 ans.


Ce Journal magnifique et souvent déchirant, Matthieu Galey, a commencé à le nourrir en 1953, à dix-neuf ans. Le lycéen est pétri déjà de littérature et fait en janvier son premier pèlerinage proustien à Illiers et à Combray. C’est dire qu’il préfère Guermantes à Spirou… La même année il rencontre Philippe Tesson qu’il décrit comme « Plutôt réactionnaire, me semble t-il, et pas très disert pour un psychologue ; ( Tesson va passer sa thèse de doctorat en philosophie sur L’influence de Nietzsche et de Hegel sur la pédagogie ) il me faut lui arracher les mots. (…) Mais ouvert, sans préjugés. Il est reposant, admirable. Et charmeur. ». Il assiste au « spectacle comique et gratuit » de l’anniversaire de la mort de Louis XVI à Saint-Germain l’Auxerrois ; bavarde avec Boris Vian chez les Izard ( qui sont de sa famille ) ; va voir Roger Blin dans « En attendant Godot » de Samuel Beckett ; copine avec Pierre Joxe, son ancien condisciple de Henri IV; participe aux soirées délirantes de Charon, Hirsch, Le Poulain, Jacques Iskander… ; fait un voyage en Italie ; entre à Sciences-Po où son maître de conférence qui lui a fait passer l’examen d’entrée s’appelle Georges Pompidou. Voilà le Paris de ces années là pour un jeune homme de la bourgeoisie qui a ses relations, ses codes, ses entrées, ses passeports.

En janvier 1954, Matthieu Galey pousse, au 36 rue Montpensier, la porte de Jean Cocteau, l’éblouissant, qui le reçoit au prétexte d’une recherche sur Radiguet; en mars, va voir sur le même thème Brancusi dans son atelier de l’impasse Ronsin, puis un peu plus tard André Salmon, rue Notre-Dame-des-Champs, Joseph Kessel, Jean Hugo… Il prend un verre avec Françoise Sagan ( via Radiguet toujours... ) à la terrasse des Deux Magots ; il se rend quelques jours à Berlin ; il va, en petit groupe, chez Mendès France … Puis il rencontre le critique Jacques Brenner qui loge rue Bernard-Palissy au dessus des Éditions de Minuit et qui lui donne l’occasion d’écrire son premier article dans la revue « Saisons ». Brenner l’emmène à un séminaire littéraire à Royaumont où paraissent André Dhôtel, Marcel Schneider, Kern, Cariguel, Robbe-Grillet, Perdriel…

Ainsi débute le puzzle passionnant des rencontres littéraires qui marqueront son parcours. Celle de Maurice Druon dont il sera le nègre pour un livre sur Alexandre le Grand, et tant d’autres qui s’enchaînent comme dans un Bildungs Roman fabuleux des années 50-60 : Jean-Louis Curtis, Obaldia, Paul Sérant, Solange Fasquelle, Robert Kanters, Jean d’Ormesson, Olivier de Magny, Antoine Blondin, Jean Lagrolet, Bernard Minoret, Jacques de Ricaumont, Bernard Frank… Une rencontre en entraîne une autre. Matthieu Galey fait lire son manuscrit à Jacques Chardonne qui l’apprécie et avec lequel il entame une correspondance suivie. En 1958, Jean-Claude Fasquelle publie ce premier livre. Jacques Chazot qui aime bien « Les vitamines du vinaigre » le présente à Jean-Louis Bory. Il fait la connaissance de Michel del Castillo, de Roland Barthes, de Gérald Messadié. Jean-Louis Curtis lui fait rencontrer Marcel Jouhandeau. Il fréquente Pierre Bergé. Il écrit pour l’hebdomadaire « Arts ». Et ce sont encore de nouvelles fréquentations chargées chacune pour nous, lecteurs du XXIème siècle, de bouffées littéraires d’un autre temps : Julien Green , les Morand, Marie-Laure de Noailles, Yves Berger, Bernard Privat, Jean Paulhan, Jules Roy, Jacques Brosse , Nicole Védrès, François Nourissier, Florence Gould, Aragon…Il écrira pour L’Express, Combat, Les Nouvelles littéraires… Il entrera au comité de lecture de La Comédie française, participera au Masque et la plume. Il deviendra un incontournable de la scène littéraire et dramatique. Un critique en vue.

Relire ce journal en 2010 est comme ouvrir un album de photographies argentiques. C’est un plaisir inouï et nostalgique, qui apporte son lot de surprises délicieuses. En voici, glanées au fil des pages, quelques unes :

Inattendue, celle-ci : en 1970, aux États Unis, voilà quarante ans, Matthieu Galey note déjà, le développement d’une « campagne contre la pollution qui renie toute l’Amérique de papa : « Utilisez des bouteilles, refusez les boîtes de conserve, marchez à pied » etc . » Qui se souvient de ce battage pré-écologiste américain ? Qui en a vu les effets ?

Plus percutant encore et d’accroche plus précise avec notre actualité ce portrait de François-Marie Banier, rédigé la même année, en décembre 1970. Voici ce qu’écrit Matthieu Galey : « Banier, obsédé par l’ombre de Cocteau, désireux à la fois de lui ressembler et de ne pas être lui. Il est surtout un dessin de Cocteau qui n’était pas beau lui-même mais créait la beauté. Banier se contente pour l’instant d’être un personnage de Cocteau, quelque chose comme François l’Imposteur. Il n’empêche qu’il réussit à publier un conte de Noël farfelu dans Le Monde si triste et si convenable. Il faut le faire ! Sa phénoménale assurance et la mini-carrière qu’il se taillent me ravissent, merveilleusement anachroniques dans une société sans fantaisie. » C’était plutôt bien vu… La visite de Matthieu Galey, en 1982, à Francois-Marie Banier, dans son appartement de la rue Servandoni, lui donne l’occasion d’une description croquante et de quelques notations perspicaces. « Curieux, cet intérêt tous azimuts pour les célébrités, alors qu’il ne s’intéresse à personne en vérité ». Et aussi : « Le vrai François-Marie existe t-il ? C’est peut-être l’homme d’affaires mystérieux qui dit gagner beaucoup d’argent, sans révéler comment… »

Dans ce journal les mots d’humour et les histoires amusantes foisonnent. 1971. « A Match, Bory écrit un article où se trouve cette phrase : « Le curé ( ou l’évêque ) bénissait les tanks ». La secrétaire lit mal, est choqué par la crudité du terme. Aussi, à la parution, cela donne : « L’évêque bénissait les homosexuels ».

Un autre fois, il note, en 1984, ce mot d’Alain Delon, lors d’un dîner chez lz commissaire Borniche : « Le Pen, pour que ça marche, il lui faudrait ma gueule et nos couilles à tous les deux ». Des mots drôles, des formules, des anecdotes incroyables mais vraies, le Journal en fourmille. Comme il grouille de notations plus profondes sur la société ; les politiques ( Mitterrand, Lecat, Michel Guy, Lang, Joxe… ) et les mœurs, mais toujours énoncées avec le calme du sceptique qui se marre.


En 1977 « Si 95 % des romanciers avaient cultivé des petits pois au lieu de s’échiner sur des ouvrages oubliés aussitôt que parus, la littérature n’en serait pas changée d’un iota. « Chateaubriand ou rien » On en revient toujours à ça. »

Et en miroir, ce regard sur son travail en 1982 : « Les articles de littérature, s’écrivent avec une lenteur cauteleuse, sans avancer jamais un mot qui ne soit le bon, le juste, l’unique, sinon il vous reviendrait à la figure, comme un boomerang, dès la semaine suivante. Le texte part : plus de correction possible. Pas d’épreuve ni de réflexion. Le saut dans l’inconnu, et le définitif. Ce n’est ni un métier, ni un art, le journalisme : du trapèze volant. Qui rate son coup s’écrase. »

La médecine révèle sa maladie à Matthieu Galey en 1984. Il n’a qu’une arme : l’humour. « Au temps de l’acharnement thérapeutique et des médications triomphantes, j’ai réussi à me dénicher un mal inguérissable, pour lequel on ne connaît aucun remède. Il faudra que je me regarde passer sans rien faire, avec résignation, comme jadis. Je meurs au dessous de nos moyens, à l’ancienne. Une chance, peut-être ». Ou bien : « Jean d’Ormesson, un jour, m’a dit que j’étais un chroniqueur-né. À bientôt le chroniqueur-mort ».

Les cent dernières pages sont souvent poignantes mais par défaut. Jamais Matthieu Galey ne s’apitoie sur lui-même. Il s’amuse. « Parfois, ce qui me chagrine le plus, c’est de ne pas me survivre. Il ne m’aurait pas déplu d’être mon propre veuf, de me regretter moi-même, à mon juste prix, avec un délicieux désespoir ». « Mais si , tout d’un coup, on m’annonçait un miracle, qu’on a trouvé un médicament, que je vais guérir, je crois que j’aurais beaucoup de mal à m’y faire. Passé la première ivresse, les cinquante années à venir dont je suis délesté me tomberaient dessus comme une catastrophe. C’est sa brièveté qui rend à présent ma vie si belle, si précieuse. À consommer sur place ! »


Des Journaux publiés de façon posthume, on connaît malheureusement la fin de l’histoire. On aurait tant aimé que celui de Matthieu Galey continue, continue, continue…


JB

samedi 28 août 2010

Au rendez-vous des estampes japonaises...





C’est sans doute la plus fantastique des ventes d’estampes d’Extrème-Orient organisées depuis des lustres dans le monde. En tout cas, c’est certain, l’une des plus belles qui aient jamais eu lieu ( avec les dispersions de novembre 2002 et 2003 provenant, déjà de la collection d’Huguette Berès ). L’ensemble qui sera mis en vente à Drout-Montaigne à Paris du 17 au 19 septembre 2010 par Pierre Bergé et Associés provient d’abord de la collection personnelle de la grande marchande d’art que fut à partir de 1952, quai Voltaire, Huguette Berès, de la Galerie Berès proprement dite et d’une collection privée européenne.

Cette vente extraordinaire a pour titre général un mot japonais et une formule : « UKIYO-E, les images du monde flottant » Peintures, estampes, livres et dessins de la Chine et du Japon. « Le terme japonais Ukiyo-e, est-il utilement expliqué dans le premier des quatre volumes du prestigieux catalogue de la vente, ce terme, a été utilisé durant l’ère Edo ( 1603-1868 ) pour désigner un nouveau genre d’art graphique comprenant aussi bien la peinture populaire et narrative que les estampes japonaises gravées sur des bois ». Au Japon, « la période rime avec paix, expansion démographique et prospérité qui se traduisent par l’émergence d’une bourgeoisie urbaine et marchande et par un changement des styles artistiques. » Ainsi, l’estampe Ukiyo-e dont les thèmes « correspondent aux centres d’intérêt de la bourgeoise : les jolies femmes et les courtisanes célèbres, le théâtre kabuki et les lutteurs de sumo, la nature et les paysages, les lieux célèbres, le fantastique », est « un art à la portée de tous car elle peut être reproduite en grande série ».

Cet art, rappelle le catalogue, « connaitra à la fin du XIXème siècle un grand succès en Occident et surtout en France lors de l’Exposition universelle de 1867 à Paris. Ces images vont devenir une source d’inspiration pour les artistes comme Monet, Manet, Degas, Van Gogh, Renoir, Picasso, Gauguin, Klimt et les Nabis ( Vuillard, Bonnard… ). On parlera alors de « japonisme ». Des collections d’estampes se constituent alors, comme celles de Samuel Bing, Isaac de Camondo ( léguée au Louvre ), Louis Gonse, Raymond Koechlin, Henri Vever…

Kunisada Utagawa, Hokusai Katsushika, Hiroshige Ando… Citer ces trois noms suffit pour faire surgir ces images enchanteresses. Elles sont là, à votre disposition, à la portée de vos moyens si vous êtes passionné. Pour quelques centaines d’euros des chefs d’œuvre sont accessibles. D’autres, coûtent évidemment beaucoup, beaucoup plus cher. Mais pour se persuader de l’importance et de la qualité de cet art dans l’histoire universelle de l’image, il suffit de se procurer les quatre catalogues de la vente. Ils représentent une somme rarissime d’images irremplaçables. Ils sont, à eux seuls, un magnifique témoignage sur l’Ukiyo-e….

mardi 10 août 2010

Les titres à la Marianne...

"Marianne", l'hebdomadaire qui n'en est pas à une boule puante près, fût-ce à la Une de ce canard, titre cette semaine: "Le voyou de la République " au dessus d'une photographie du Président de la République. Je ne crois pas qu'un journal qui se veut respectable soit allé aussi loin dans la diffamation. Il suffit de soumettre le cas à un juge pour que l'affaire soit tranchée... C'est tellement grotesque, outré, enflé que ça discrédite les journalistes de cet hebdomadaire et le journalisme français. Tel qu'il fonctionne de nos jours .... Ayant travaillé dans la grande presse pendant 40 années je sui peiné de voir dans quels travers tombent les journaux incapables par leur travail assidu et intelligents de sortir de vraies affaires ( à droite comme à gauche ) et qui se croient obligés de forcer dans l'outrance des mots pour se donner une image. Les clowns, les voyous.... ce sont eux. Quelle idée se font les lecteurs de ce périodique de la réalité ? Dans quel rêve de poivrots incultes baignent-ils ?

dimanche 8 août 2010

Sur un certain sondage qui sacre Noah

Noah, Yannick Noah, Premier dans le coeur des Français, selon Le JDD. Suivi par Mimi Mathy... etc.. Le plus étrange c'est que personne ne s'interroge sur la méthode du sondage. Il a beau être ancien et récurrent, ce sondage met à mal toutes les règles scientifiques. Il repose sur un questionnaire pré-conçu et nominatif de personnalités qui induit les réponses et valide une certaine stabilité. C'est ce qui explique que ce Noah ( qui certes entretient sa notoriété et relance sa carrière par une chanson engagée " Angela !!! ") apparaisse continûment en tête du panel. La méthode utilisée exonère les Français de la beaufitude et de la débilité qui s'accompagneraient de tels résultats.... s'ils étaient scientifiquement attestés.... À moins que... Oh, Putain....!!!!

mercredi 4 août 2010

Marie Lepetit: acupuncture urbaine

Hasards de la ville… Je passais ce matin rue Saint Martin et sur le trottoir de gauche entre la rue aux Ours et l’Esplanade Beaubourg, et il y avait là une toute frêle jeune femme qui s’appliquait à fixer des points d’acrylique blanc sur un petit pan de mur noir d’ébène. Saisir un l’artiste dans le moment pointu de son travail créatif. Toujours une chance.

Un pas de recul et un aperçu de l’ensemble montrent, tracé au crayon de graphite, donc noir sur noir, mais noir comme argenté sur noir mat, un réseau de fines lignes qui partent en éventail d’un point central, de plusieurs points centraux, qui s’entrecroisent, s’entre connectent, avec une précision géométrique, mathématique. Ces points de contact, ces lignes méridiennes déterminent pour l’artiste la place qu’elle attribue dans sa sensibilité du moment à chacune de ses touches de peinture blanche. Comme l’acupuncteur dont la science parfaite des méridiens énergétiques n’a cure des indications d’un manuel.

Prenons encore distance. Dès lors l’œuvre surgit dans sa globalité. Voici une sorte de cosmogonie vibratile d’où s’échappe, discrète, cette mystérieuse « Musique des Sphères » qu’évoquait vers 400 avant Jésus-Christ, le mathématicien et astronome, le pythagoricien Philolaos. Une nuée ordonnée et vivante de myriades de lucioles qui constitue une vision du monde.


Marie Lepetit, l’artiste du petit pan de mur noir, n’a que faire, à ce que j’imagine, des avancées modernes de l’astronomie en tant que science exacte. Elle est peintre avant tout et je la classerais plutôt, s’il le fallait, dans la lignée des poètes ou des grands peintres que furent Martin Barré ou Agnès Martin. Mais cette œuvre si forte et si fragile a une vraie personnalité et une unité qui signent l’Artiste.

« Memento Mori ! » Accrochée à la paroi de la rue Saint-Martin, soumise aux intempéries, aux pipis des chiens, aux graffitis imbéciles qui parfois viennent souiller des œuvres ( comme s’il n’y avait pas, ailleurs, assez de place sur des murs vierges… ) le beau travail – prévu comme éphémère par Marie Lepetit elle même - demeurera un temps dans cette rue qui fut un des grands axes de la capitale, pour enchanter les regards et donner à voir. Il faut le voir comme en lui même. Sans vouloir en extraire une « signification ». Comme le dit si justement Pierre Soulages, « sur l’œuvre, les sens viennent se faire et se défaire ». Laissons nous porter et entraîner par le regard que nous lui portons.

Enquête menée, j’ai appris que Marie Lepetit avait de mars à mai exposé des peintures et des dessins dans une galerie de la rue Quincampoix, la galerie « Briobox », née voila moins d’un an. Il y reste quelques peintures et quelques dessins. Avis aux amateurs.

« Briobox », 67 rue Quincampoix. brioboxgalerie.com ; téléphone : 0142748080.

Basquiat dans les starting blocks

Il faut s’y préparer. L’événement de l’année, c’est Jean-Michel Basquiat. Né le 22 décembre 1960 à Brooklyn aux États Unis, ce Rimbaud de la peinture aurait bientôt cinquante ans si la mort – à la suite d’une overdose - ne l’avait fauché le 12 août 1988 à New York. Il avait 27 ans.

Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris va consacrer du 15 octobre 2010 au 30 janvier 2011 une rétrospective mémorielle à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa naissance.
Cette exposition présentera une centaine d’œuvres majeures ( peintures, dessins, objets ) provenant de nombreux musées et collections particulières à travers le monde. Elle permettra de retracer le parcours chronologique de cet artiste – proche de Andy Warhol, de Keith Haring, de Francisco Clemente… - qui marque profondément la décennie 80 et plus profondément l’histoire occidentale de l’Art.

Cette exposition a été conçue en partenariat avec la Fondation Beyeler où elle est présentée, à Riehen, près de Bâle, jusqu’au 5 septembre. Les commissaires de cette exposition ont obtenu des prêts époustouflants. Il proviennent du Museum of Modern Arts et du Whitney Museum of American Arts de New York, du Musée National d’Art Moderne de Paris - Centre Georges Pompidou, du Musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, de la Broad Art Foudation de Santa Monica, de la Brant Foundation, de la collection Daros en Suisse, de la succession J.M. Basquiat à New York, de la Fondation Louis Vuitton à Paris, de la collection de la famille Rubell, à Miami, de la galerie Bruno Bischofberger à Zürich, de la galerie Enrico Navarra, galerie Tony Shafrazi à New York, de la galerie Gagosian de New York, de la galerie Jérôme de Noirmont à Paris, des collections de Lio Malca à New York, Fred Hoffman, Enrico Navarra, de la collection Steven et Alexandra Cohen, des collections Mugrabi, Irma et Norman Braman, Amalia Dayan et Adam Lindemann, Laurence Graff, John McEnroe…(1)

En attendant d’aller à Bâle ou au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, ou après y être allé, il faut lire le beau livre, richement illustré ( et modeste : 19, 90 € ) que publient les éditions Flammarion. Avantage: il est écrit en français. L’ouvrage, dont l’avant- propos est rédigé par Arnold L. Lehman, directeur du Brooklyn Museum, est placé sous la direction de Marc Mayer. Le premier des textes qu’il propose est une mise en perspective historique de l’œuvre de Basquiat « qui apparaîtra, sans doute longtemps, dit-il, comme l’incarnation moderne du génie et de la fougue juvéniles. ». Franklin Sirmans inscrit, lui, Basquiat, « Dans le cipher », mettant sa peinture en relation avec la culture hip-hop. Fred Hoffman, pour sa part, analyse les Cinq chefs-d’œuvre qui marquent à son idée « Les années déterminantes » de l’artiste. Kellie Jones interroge les conservateurs ( elle est conservatrice ) en précisant qu’elle a rencontré Basquiat en 1987 sur une piste de danse lors d’une fête organisée par Spike Lee.








(1) Le catalogue de l’exposition, publié en allemand et en anglais par les éditions Hatje Cantz à Stuttgart, dans une mise en page de Marie Lusa, contient des textes de Dieter Buchhart, Glenn O’Brien, Robert Storr, Michiko Kono, une interview de Basquiat par Becky Johnson et Tamra Davis ( sortie d’une vidéo de 1985 ) et une chronologie par Franklin Sirmans. 244 pages, 334 illustrations. ( Je ne l’ai ni reçu, ni lu )










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Bernard Pagès: l'hommage à Clément Marot

C’est l’hommage d’un fils de Cahors à un autre enfant de Cahors. Et qu’importe si près d’un demi millénaire sépare l’un de l’autre dans le temps. Clément Marot est né dans la capitale du Quercy en 1496 ; Bernard Pagès, en 1940, dans le chef lieu du Lot. Tous deux ont beaucoup voyagé et ont eu de nombreux points d’attache : Paris, Reims, l’Italie pour le plus ancien, le poète… Paris, le pays niçois pour le plus récent, le sculpteur… Mais leur œuvre a tracé sa route à travers la France et s’est imposée dans le monde entiers par la grâce de l’imprimerie ou celle des collections d’art.

Cette sculpture monumentale imaginée par Bernard Pagès était prévue pour être installée dans une faille architecturale entre deux des bâtiments du Conseil général du Lot construits à flanc de colline. Et pour « se faufiler » sur plus de 30 mètres de long. Cette œuvre composite s’élève sur 6,50 mètres de haut et sa largeur est de 3 mètres dans sa plus grande dimension. Elle est constituée de trois éléments liés, connectés entre eux et formant une unité de sens. À l’un des deux bouts de la pièce, s’accole au sol une masse de béton coloré en bleu avec des inclusions de marbre blanc, sculptée au pic, elle même surmontée d’une poutrelle industrielle en H, tordue et peinte en brun-rouge. À l’autre bout, s’élève en oblique vers le ciel une autre poutre du même type, peinte en un jaune vif, dont la base repose elle aussi sur le sol. Entres ces deux extrémités se déroulent, comme en une ribambelle de lettres dansantes, deux vers tirés de « L’Adolescence Clémentine » de Marot, un texte publié en 1532. « Ce lien exagérément distendu et divaguant, morcelé, haché, transparent et continu à la fois », selon les expressions de Bernard Pagès, dit et écrit:

« Car tout ainsi que le feu l’or affine,
Le temps a faict nostre langue plus fine »

L’œuvre de Bernard Pagès porte pour titre : « L’Ondoyante ». Dans sa traduction pour « Le Regardeur », revue d’art contemporain dans le Lot, Bernard Pagès explique : « Comme le temps dans le texte de Marot rend « la langue plus fine », le feu purifie l’or. Il fait l’or plus « entier ». C’est le feu et l’air, l’oxygène et l’acétylène, le plasma du chalumeau oxycoupeur qui découpe les lettres et les plaques de fonction. C’est le feu qui transforme en l’affinant le fer en inox. »

Voilà donc la première création d’importance de Pagès installée dans son fief d’origine. C’est important pour l’artiste et c’était une urgence pour sa ville natale qui lui avait consacré en 1995 une belle rétrospective au Musée Henri Martin. C’est intéressant aussi pour l’amateur d’art qui peut voir là un travail de maturité d’un sculpteur. Bernard Pagès a été impressionné par Brancusi, marqué par les Nouveaux Réalistes, il est passé par le groupe Supports/Surface, mais il a développé une œuvre parfaitement originale et signée, ingénieuse et rustique, avec ses matériaux propres : la pierre, le bois, le plâtre, la brique, le parpaing, le fer, l’acier, le béton, le mortier, l’os, le plomb, la terre, le cordage, la paille, l’herbe, le plexiglas, le feu… travaillés à l’artisanale, à la naturelle. Il colle, il soude, il superpose, il combine, il confronte, il ajuste, il imbrique… tous mots extraits de son vocabulaire. Ce sont les actions de ce constructeur atypique qui se joue des équilibres, des pesanteurs, des règles établies.
« Les sculptures de Pagès fuient l'autorité comme la peste, l'autorité qu'elles pourraient avoir en premier lieu » écrit Marilyne Desbiolles, prix Femina 1999, dans le catalogue « Nous rêvons notre vie », collection Pérégrines, éditions du Cercle d'Art, Paris, 2003. Elle poursuit : « Les plus grandes d'entre elles n'imposent pas, elles n'imposent pas leur présence envahissante, grandiose. Elles ne sont pas grandioses. Elles ne rivalisent pas avec les dieux mais elles leur tiennent tête en esquivant habilement leurs foudres qui pétrifient. Le tour de force consiste aussi à garder leur ténuité même lorsqu'elles regardent de haut. Elles ont l'air de se frayer un passage dans le vide, elles n'essaient pas de le combler. Elles aussi, elles ont peur du vide mais elles n'ont pas la prétention de le colmater, elles pactisent avec lui en s'immisçant, en le trouant le plus délicatement possible. » On ne saurait mieux dire.

Les amateurs d’art, les spécialistes et les musées ne s’y sont pas trompés qui ont exposé Pagès à Nice, à New York, à Tours, Toulon, Meymac, Chambord, Toulouse, Avallon, Valréas, Montrouge, près de Bordeaux au château d’Arsac, Vence…, à Edimbourg, New Dehli, Buffalo, San Francisco, Seattle, Gand, Bergen, Zagreb, Bruxelles, Saarbrücken, à la Marsa près de Tunis, et bien sûr à Paris au Centre Pompidou… Des œuvre monumentales de Pagès sont installées à demeure sur de nombreuses aires : « Hommage à Gaston Bachelard », à Mailly-en-Champagne, la « Fontaine Olof Palme » à la Roche-sur-Yon, un « Hommage à Albert Camus » à Nîmes, une « Colonne » au siège des Affaires culturelles de la ville de Paris, une « Fontaine parfumée » chez Fragonard à Èze, « La Pierre de l’éperon » à l’École des mines d’Alès, bientôt au siège social de L’Oréal…

C’est ce qu’on appelle rayonner…

JB








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mardi 3 août 2010

Jean-Pierre Rodrigo: la passion cactus

La peinture, la céramique, l'art puisent dans la nature humaine les ressources les plus vives. Dans son exposition, montrée à Montcuq jusqu'au 11 juillet, Jean-Pierre Rodrigo a présenté une impressionnante série sur un thème étonnant : « Cactus y figues de Moro » ( Cactus et figuiers de Barbarie ). Des céramiques, blanches le plus souvent, aux arêtes taillées dans le vif ; aux ombres à la fois ténues et puissantes ; à l'allure de Golems qui se cachent sous la forme appelée cactus. Des panneaux aux tons assourdis, l'un noir et ocre, avec, tracés en réseaux des lignes comme sur le tableau de l'école, qui dessinent une trame de ces cactus appelés à la vie et à la fructification et plus bas au plus profond, le réseau souterrain des racines qui puissent dans la terre leur substance, la mémoire et leur force nourricière. Un autre panneau, rouge et fumée bleue, invite à mêler les apparences du cactus ( nourriture et boisson du désert, étancheur de la soif des nomades ) et le canari de l'Afrique et de la Bible, le "Cantir" de la Catalogne, qui, lui aussi, assure une eau rafraîchissante au voyageur d'ici bas.

Cette thématique du cactus, Jean-Pierre Rodrigo s'en est expliqué dans une interview donnée à "La Dépêche du Midi". « Après le décès de mon épouse France, en 2003, plusieurs thèmes ont surgi, dont celui des cactus. Elle les aimait, les ramassait, et me chargeait de les mettre en pot. J'ai ressenti le besoin de faire un lien en les peignant » dit-il.



Essayons d'aller plus avant dans l'analyse de ce qu'a traduit ainsi Jean-Pierre Rodrigo avec sa fibre d'artiste. Et d'abord, comparons. Comparaison n'est pas raison. Même en art. On va le voir.



On sait comment Claude Viallat, le Nîmois et grand peintre à l'immense renommée internationale, a fait d'une simple éponge l'objet de tout son travail artistique depuis des dizaines d'années. On sait aussi combien cet objet qui est toujours le même et son empreinte qui est toujours identique à elle même, sont aussi, à chaque fois, tout autres et tout différents.

Pour Viallat, qui est l'un des fondateurs du groupe « Supports/Surface » ( et qui a été, doit-on le rappeler ? un des proches du Cadurcien Bernard Pagès ) l'exercice est l'application d'une théorie en rupture avec la figuration, l'abstraction lyrique ou géométrique. Dans leur Manifeste, les artistes du groupe expliquaient : « L'objet de la peinture, c'est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu'à eux-mêmes. Ils ne font point appel à un « ailleurs » (la personnalité de l'artiste, sa biographie, l'histoire de l'art, par exemple). Ils n'offrent point d'échappatoire, car la surface, par les ruptures de formes et de couleurs qui y sont opérées, interdit les projections mentales ou les divagations oniriques du spectateur. La peinture est un fait en soi et c'est sur son terrain que l'on doit poser les problèmes.
 Il ne s'agit ni d'un retour aux sources, ni de la recherche d'une pureté originelle, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural. D'où la neutralité des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur expressive. »

Or il se trouve que Jean-Pierre Rodrigo a précisément exposé en 2003 au Musée Henri-Martin de Cahors dans le cadre de la mémorielle « Nationale 20 / 1978-2003, que s'est-il passé? », ses « Molinos para el Quijote », une dizaine de ses peintures, à côté de celles de Claude Viallat. ( Mais aussi de Louttre B., Bernard Pagès, André Nouyrit, Jean-Pierre Pincemin, Jean Rédoulès, et Michel Zachariou…). D'où surgit cette question en retour sur Viallat: Alors, Rodrigo avec son obsession du cactus, son obstination créative, sa répétition du motif devrait-il être classé côte à côte avec Claude Viallat ? Dans cette mouvance de Supports/Surface? Ma réponse fuse: Eh bien pas du tout! Et c'est parfait ainsi. Jean-Pierre Rodrigo est ailleurs, sur un autre territoire, dans une tout autre dimension de la création qui est celle de la vibration sensible. Il est chez lui, dans son propre univers qui est celui de la mémoire et de la vénération. L'objet existe, se manifeste, s'expose non pas pour lui même, mais pour ce qu'il contient, recèle, révèle de présence dissimulée, secrète. La répétition, c'est aussi le principe de la litanie qui est une des formes religieuses de l'hommage et de l'invocation.

Les cactus de Rodrigo sont du genre sensitif. Et s'il me fallait faire une allusion à un artiste, et pour moi celui-ci est l'un des plus grands contemporains, c'est à plutôt à Cy Twombly que je penserais. À Twombly, dans ses sculptures de plâtre blanc ( je songe d'emblée à « Thermopylae » ou à « Cycnus » ) ou à Twombly dans ses tableaux noirs à la puissance évocatrice inouïe.

Mais foin de remémorations, voyons d'abord les œuvres de Jean-Pierre Rodrigo, regardons les, écoutons leur murmure, laissons nous séduire par leur appel. Il y a là une vibration ou plutôt un vibrato spécifiques. Une musique qui vient de si loin et qui nous touche au plus profond.

J B

Jean-Paul Dumas-Grillet: La photographie cosa mentale...

J’ai rencontré les photographies de Jean-Paul Dumas-Grillet soudain. Comme il se doit. Par surprise presque. Une d’abord, celle d’une fenêtre, prétexte ( ?), qui m’a ferré par sa simplicité d’évidence. Et sa rigueur, sa sècheresse mallarméenne. Sa géométrie parthénienne. Rien qui déborde, rien qui bave, rien qui ruisselle. C’est centré. Net. Concentré. Scotchant le regard. Mais ouvert par la perspective offerte sur tous les possibles, toutes les aventures... Bref, une photographie riche en elle –même, comme peut l’être une peinture abstraite de Franz Kline ou une nature morte de Giorgio Morandi. C’est simplement beau.

Et puis j’en ai vu d’autres des photographies de Jean-Paul Dumas-Grillet, cherchées, sollicitées. Et à chaque fois j’ai été confondu par la puissance contenue de chaque image. Visages, arbres, rochers , miroirs, escaliers, portes, tables… chaque vue est un paysage mental. Précis comme chez Edward Hopper et Raymond Roussel. Indéfini dans son intension ( et son intention ), infini dans son intensité. Un sujet et une question. Une interrogation qui renvoie à sa propre mémoire comme à celle de l’artiste. Avec ce sentiment de « déjà-vu », ( plus savamment de paramnésie ), qui est un des mystères de la perception ( et de la poésie ).

Pas étonnant que Jean-Paul Dumas-Grillet cite dans un de ses portfolios cette phrase de Cesare Pavese : « Il faut savoir que nous ne voyons jamais les choses la première fois, mais toujours la seconde. Alors nous les découvrons et en même temps nous nous les rappelons » Ces vues, en effet, tiennent à la fois du conjoncturel, du hasard, de l’éphémère… ( la rencontre, le passage, la lumière, le vent… ) et du permanent, du stable et du constant. Fixé dans l’instant qui compte le temps se fait éternité.


JB

PHOTOS: 1) Barre blanche 2) Eden Hôtel de Martigues
Qui est Jean-Paul Dumas-Grillet ?


Jean-Paul Dumas-Grillet vit et travaille à Paris et Munich. Il a exposé régulièrement en groupe et expositions personnelles à la galerie Vieille du Temple. Il a participé aux foires ArtParis (2005,2006, 2007, 2009) Et a de nombreuses autres expositions : Château d'Eau de Toulouse (Hôtel du Grand Miroir) - Bibliothèque Nationale de France (Portraits/Visages, 2003), (Mois de la Photographie, 1994) Musée Pétrarque (La Sorgue Baroque, 1998,) Rencontres Internationales de la Photographie, 1993)

En 2010:
Tokyo Art Club/ Palais de Tokyo ; ZSart Gallery - Wien - European Month of Photography - novembre 2010

En 2009:
ArtParis : Paris/Grand Palais - Galerie Vieille du Temple
Im Abendrot - video - Institut Français de Munich - juin 2010
Médiathèque de Martigues - juillet/août - exposition personnelle
Art Élysées - octobre 2009 - Galerie Vieille du Temple
Centre de Création Contemporaine de Tours - 21 novembre/21 février -
La collection d'art contemporain de la Société Générale par Claude Rutault (groupe: Valérie Belin, Stéphane Couturier, Thomas Demand, Jean-Paul Dumas-Grillet, Anne Garde, Werner Hannapel, Anna Malagrida, Philippe Ramette, Georges Rousse, Thomas Ruff...)

En 2008 :
Art Fair Tokyo - Hayakawa Gallery - Osaka (avril 2008)
Galerie de l'Hôtel Marceau Bastille - Paris (16 mai-30 septembre 2008)
Domitille Chaudieu, J.P Dumas-Grillet, Arthur Kleinjan - Galerie Vieille du Temple - Paris (octobre 2008)
Artélysées - Galerie Vieille du Temple (octobre 2008)

Collections
Bibliothèque Nationale de France
Château d'Eau de Toulouse
Musée Pétrarque
SACEM
Collection d'Art Contemporain de la Société Générale
Editions
Adorae Curieux Zamok (Le Chêne/Hachette, 1981)
Tombeaux de Sable et de Lumière (Fata Morgana, 1995)
La Sorgue Baroque (Clepsydre, 1998)
Studio, la Légende du Cinéma - Jean-Pierre Lavoignat (Albin-Michel, 2007)

Catalogues
La Matière, l'Ombre, La Lumère (B.N/Nathan, 1995)
Portraits/Visages (B.N/Gallimard 2003)
Photographies 2005-2007 - texte d'Adrien Goetz (Galerie Vieille du Temple)

Videos
Lonely Together (couleur, 15 minutes) - 2006
Nothing (noir et blanc, 9 minutes) - 2006
Daisy Skimmer (noir et blanc, 7 minutes) - 2008
In the Sweetness of Being (couleur, 7 minutes) - 2008

Films (auteur)
Im Abendrot (couleur et noir et blanc, 60 minutes)
avec Laura Schmid, Bérangère Andréo, Caroline Llorca

Films (Photographe de Plateau)
L'Appartement (Gilles Mimouni) - 1995
Le Goût des Autres (Agnès Jaoui) - 1999
Les Fantômes de Louba (Martine Dugowson) - 1999
Le Pharmacien de Garde (Jean Veber) - 2001
Le Rôle de sa Vie (François Favrat) - 2003
Comme une image (Agnès Jaoui) - 2003
Les Bottes (Renaud Bertrand) - 2003
La Belle et le Sauvage (Bertrand Arthuys) - 2004
Parlez-moi de la Pluie (Agnès Jaoui) - 2007



UNE PROPOSITION DE L'ARTISTE:


"Afin de financer un projet concernant les photographies de portable que je fais depuis bientôt deux ans, j’ai décidé de proposer à la vente le numéro 1 de chacune de ces photographies (tirée à 12 exemplaires) à raison d’une par jour, et ce jusqu’à l’automne.
La première personne qui se manifestera – par mail - en sera l’acquéreur.
Toutes les photographies seront répertoriées dans le blog
lumiereslointaines.blogspot.com
et disponibles à l'achat jusqu'à ce qu'il soit précisé qu'elle ont été vendues.
Le prix exclusif pour ce numéro 1/12 est de 200 euros au lieu de 750 euros dans le circuit habituel pour cette taille.

Eden Hotel de Martigues, le 3 juillet 2009 à 17 heures 11, entre mon arrivée par le tgv à Marseille
et le vernissage à la Médiathèque. Le nom de l'hôtel sur les hauteurs, au bord de la route, me fait penser à un périple à travers les États-Unis que je n'ai jamais encore su faire. Je ne sais pas si je fais cette photographie à cause de ce nom, qui pourrait être celui d'un motel dans l'Arizona, ou parce que j'ai souvent sur ma table le gros catalogue jaune de l'exposition de Lee Friedlander à la Maison des Arts de Monaco Bay.


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