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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

jeudi 31 juillet 2014

"Rotraut" Par Michèle Gazier (éd. Dilecta)

« Rotraut » Par Michèle Gazier (éd. Dilecta)


 

« Faire l’Amour avec la Vie »


Rotraut, Rotraut Uecker, Rotraut Klein, Rotraut Moquay, sous toutes ses identités est d’abord une artiste mythique. Elle est aussi et avant tout une artiste bien vivante, passionnément  créative comme elle l’a toujours été. Le livre que publient les éditions Dilecta, réalisé par Michèle Gazier, apporte ainsi la démonstration de la diversité et de la richesse de l’œuvre de cette artiste. Magnifiquement illustré, cet ouvrage permet sur plus de deux cents pages d’apprécier l’inventivité de Rotraut. La liste impressionnante de ses expositions personnelles ou publiques, la présence de ses œuvres dans les collections publiques ou privées témoignent de son importance dans le monde de l’art d’aujourd’hui.

 
Son parcours dans l’art, Rotraut l’a débuté toute jeune, dans sa Poméranie où elle naît en 1938, à Mecklenburg. Et c’est d’abord dans l’émotion, les sensations, la captation des effluves mystérieux de la nature que naît sa vocation. Rotraut est comme une plaque sensible qui enregistre toutes les vibrations autour d’elle. Peu à peu, elle constitue ainsi son patrimoine qui fait sa richesse et qu’elle distille tout au long de son œuvre.

Pour comprendre le travail de Rotraut, il faut saisir la vie de l’artiste dans sa globalité. Dans ses points fixes comme dans ses déplacements intercontinentaux. De sa naissance, en Allemagne, juste avant la guerre, jusqu’à l’épanouissement de son expression dans son atelier de Paradise Valley, près de Phoenix, en Arizona, via l’Australie où elle a aussi ses attaches. Comprendre d’où vient son inspiration, d’où jaillissent les émotions et les pulsions qui l’animent. Savoir que Rotraut a toujours baigné dans un milieu où créer était une seconde nature. Ce n’est pas un hasard si son frère, Günther Uecker, est devenu l’un des artistes allemands contemporains les plus reconnus et admirés dans le monde. Savoir aussi qu’elle a été l’épouse d’un des phares de l’art contemporain, Yves Klein.  Disparu en 1962, celui-ci a laissé une œuvre d’une immense portée fondatrice : les collectionneurs du monde entier se l’arrachent aujourd’hui à prix d’or connaissant sa valeur prophétique et esthétique. Savoir enfin que l’art a toujours été le guide de Rotraut.
 
La permanence et la continuité sont les maîtres mots d’une œuvre en perpétuel enrichissement. Dès 1956, Rotraut réalise ses premières Galaxies où,  d’emblée, le Cosmos est la référence fondamentale. L’artiste dépose à la surface du support –toile marouflée sur bois- des quantités de petits points, des gouttelettes de pâte blanche qui vont durcir. Puis elle recouvre le tout d’encre de Chine, de peinture noire, et ensuite, en grattant l’étendue opacifiée à la toile émeri, elle fait réapparaître certains de ces points de lumière. Une constellation d’étoiles vient de naître. En 1963, Rotraut crée toujours des Galaxies, mais elle ajoute à  son espace créatif de nombreux tableaux inspirés par l’Univers et la voûte céleste : soleils ; lunes ; trous noirs ; comètes ; éclipses…Ce sont des approches, des voyages intersidéraux, des raccourcis spatio-temporels, toutes dans le mouvement. Mais aussi  des cartographies, comme dans les Tantras, où la représentation du temps infini qu’on a intimement en soi est l’objet d’une figuration ésotérique. Cette cosmographie, en 2005, n’a perdu ni sa fraîcheur ni sa spontanéité. Pour obtenir des effets semblables mais à grande échelle, Rotraut pratique un dripping avec une grande brosse et des pinceaux. La toile, parfois immense, est au sol. Rotraut la sème d’étoiles blanches ou de glitter noir, dans ce « délire énergétique extralucide »  que décrivait avec bonheur Pierre Restany.
 
Retour à 1960. A la poursuite du Graal de la création, Rotraut imagine de « voler » la sensibilité des grands maîtres classiques. Elle publie même une manière de manifeste dans lequel elle écrit : «  J’ai décidé de tenter de voler purement et simplement la sensibilité picturale de grands maîtres de notre art occidental si hermétique. » Elle projette alors des diapositives et se place en plein cœur de tableaux magistraux. Sur un grand papier fixé au mur, elle suit les lignes de force de l’œuvre, en reprend les mouvements qu’elle ressent, en repeint les couleurs.  A partir de ce travail, elle sélectionne une partie pour en tirer des  empreintes. Cette idée de projection l’autorise à être seule face à ces peintures, à les lire avec sa personnalité. Elle les intériorise et  peut ainsi pénétrer dans l’âme de cette peinture et dans celle de l’artiste. Elle se met ainsi en harmonie combative avec Botticelli, Rubens, Cézanne, Gauguin, David…Une belle galaxie d’artistes dont Rotraut veut là aussi percer les secrets. Ces œuvres  sont exposées pour la première fois chez Amstel à Amsterdam en 1964. De l’infiniment grand à l’infiniment intime, la voie n’est pas déviée. De même quand Rotraut imagine ces tableaux où sont superposés deux carrés, dont l’un en losange.  Le plus grand ouvre la perspective sur un univers. L’autre, au centre, zoome, si l’on peut dire, sur une vision plus ciblée, une image forte, un détail sensible. L’un et l’autre jouent ensemble à créer du sens.  Roraut trouve un soir la confirmation de son intuition alors qu’après avoir peint ainsi son premier tableau de cette sorte, elle contemple un coucher de soleil sur un sommet de l’Arizona et que le soleil dorant la crête de la montagne semble lui donner son accord.

Lorsqu’en 1959, Rotraut travaille sur bois ses peintures reliefs, il s’agit de créer à la surface des planches des reliefs à base de colle  et de plâtre dont elle fera des empreintes. L’œuvre ainsi se dédouble : d’une part, la trace originelle du travail plastique ( fixé sur le support) ;  d’autre part, la mémoire de ce travail qui devient empreintes et peut se démultiplier. C’est ce qu’elle expose à Londres à la New Vision Gallery. Et ce sera aussi une de ses méthodes pour l’avenir dans le développement de son travail sur les Formes.  Ces formes, produites dans une conduite d’énergie-réflexe dès 1952, sur les tableaux d’abord, sont élues et choyées. L’artiste y voit du végétal, de l’animal, de l’humain, elle y discerne la masculinité, la féminité…. Vite, elles deviennent des personnes à part entière qui prennent leur extension dans l’air, dans l’eau ; elles sont également déclinées en sculptures de céramique, de marbre blanc de Carrare ou noir de Belgique, de métal, de bois, de pierre, de bronze, d’acier, de plastique… Nées grandes comme une main, elles deviennent parfois immenses ; blanches à l’origine, elles se parent de toutes les couleurs les plus vives : robes rouges d’un feu qui rayonne, parures jaune-soleil, vert-prairies…ou noir-carbone étincelantes comme autant de diamants.
 
Toute cette pratique pourrait n’être que techniques parfaitement apprivoisées et mises en œuvres avec dextérité. Pas chez Rotraut qui, tel un médium, vibre à l’unisson de ses découvertes successives. « Peindre, dit-elle, c’est faire l’amour avec la Vie ». Il y a dans la moindre de ses productions une puissance presque primitive, une fulgurance, un élan vital surgi du plus profond de sa sensibilité qui  lui donnent ses raisons de créer. Et qui rassemblent une œuvre où il y a beaucoup à découvrir sur nous et sur le Monde.

Jacques Bouzerand.

mardi 29 juillet 2014

Yoyo Maeght : Chronique de désamours


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Les histoires d’amour, en général, finissent mal... C’est en tout cas ce que dit la chanson. L’histoire, de trois générations de marchands d’art (parmi les trois ou quatre plus importants et plus emblématiques de la planète), cette saga  que nous raconte Yoyo Maeght depuis les coulisses aurait pu être une histoire d’amour… Hélas… on est bien détrompé à la lecture de ce livre que Yoyo  vient de publier chez Robert Laffont : « La saga Maeght ». Ce livre intelligent, fourmillant d’anecdotes et de détails savoureux,  on le dévore comme un polar d’été. C’est de prime abord le récit fabuleux d’une plongée familière, familiale, intime dans ce panthéon des artistes constituant l’entourage amical, prévenant du grand-père fondateur : Aimé Maeght. Pas des artistes au rabais, des peintres du dimanche ou des barbouilleurs à la petite semaine… Non, ce sont les plus grands artistes du siècle, les créateurs les plus inspirés, des icônes de l’histoire de l’art  : Auguste Bonnard, Henri Matisse, Kandinsky, Georges Braque, Alberto Giacometti, Miro, Calder, Tapiès, Chillida, Picasso, Chagall, Duchamp… Imaginez le jacuzzi de culture dans lequel baignent alors les Maeght. Une féérie dans laquelle flottent notre imagination et nos souvenirs. Les souvenirs, d’abord, de Françoise Maeght, appelée Yoyo comme l’avait rebaptisée Jacques Prévert.

Aimé, l‘aïeul, et son épouse Margueritte, dite Guiguite, ont vécu pour l’art d’un bout à l’autre de leur vie. Pas en artistes à proprement parler  mais en metteurs en lumière des artistes : par les éditions, les lithographies, les expositions, les galeries , une fondation… Issus d’un milieu plus que modeste ils deviennent les Cecil B. de Mille chics de l’art moderne et contemporain. Cette vie industrieuse et magnifique s’est fixé pour but d’aider les peintres, les sculpteurs à se faire connaître et à montrer au monde leur génie. Et aussi de mettre sur le marché avec des résultats munificents les œuvres les plus belles de ces artistes choyés. Le  couronnement est à Saint-Paul de Vence la création – en 1964, voilà tout juste un demi-siècle - de l’irremplaçable et sublime Fondation Aimé et Margueritte Maeght, abritant chefs d’œuvre et collections inouïes dans le cadre magique d’une montagne embaumée de senteurs provençales et toute bruissante du crissement des cigales.

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Ces inventeurs de beauté, ces passeurs, donnent naissance à deux fils. Le plus jeune, Bernard, est emporté à onze ans par une leucémie. Son aîné, Adrien, se retrouve alors l’unique héritier éventuel, le jour venu, des trésors d’art amassés et de la fortune accumulée par Aimé et Guiguite. (Avec sa demie-sœur Sylvie, née hors mariage, d’Aimé et d’une de ses secrétaires). Rien des facilités de la vie n’est refusé par ses parents aimants à ce fils devenu unique. Rien  ne l’empêche de mener sa vie à sa guise et de pousser jusqu’aux limites sa passion dévorante pour l’automobile et leur collection. Son implication dans le « business » familial, intermittent et à éclipses, même si Adrien est un excellent imprimeur d’estampes et un galeriste reconnu,  ne gâche jamais sa vie de « fils de famille ». Il est plus attiré par Saint-Germain-des-Près, les plages du bout du monde, les virées ou les rallyes avec les copains que par l’accomplissement  du rêve de ses parents. Même s’il en profite allègrement. Son style de vie, nouveau dans la lignée, saugrenu, incongru, conduit inévitablement à la rupture avec son père, déçu, dépité. Sa mère au demeurant lui conserve sa bénédiction.

N’empêche,  l’amour familial d’Aimé et  de Guiguite se reporte de fait sur les petits enfants : Isabelle, Florence, Françoise-Yoyo et Jules. Quatre enfants élevés dans de beaux appartements parisiens, entourés de nounous qui remplacent peu ou prou les parents accaparés ailleurs par d’autres distractions. Ou laissés dans une liberté qui choque les parents de leurs petits camarades. Dans cette fratrie, la plus jeunes des « p’tites filles », Yoyo n’est d’emblée pas la mieux traitée. Longtemps, pour plaisanter,  on lui fait même accroire qu’elle est une enfant trouvée sur les marches d’une église… Drôle de plaisanterie, inventée par Prévert et bien cruelle pour la cadette jugée par sa mère moins jolie à sa naissance que ses deux aînées… À l’inverse, le garçon, né plus tard, le petit dernier, a droit à un accueil plus charmant et surtout à la diligence de ses sœurs qui s’occupent beaucoup de lui tissent un cocon.
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Le temps passe, les enfants grandissent. La romance va tourner au vinaigre. La disparition des grands-parents, l’effacement d’une mère affaiblie vont introduire dans ce petit groupe où l’argent dûment gagné foisonne les germes d’une véritable guerre. Il faut dire que le plus naturellement du monde, comme on le ferait dans une famille rassemblée et pétrie de seuls sentiments de miel et de sucre, à chaque fois que l’occasion se présente, les successions successives (Guiguite, Aimé, Paulette, la mère…) sont laissées dans un pot commun, dans une indivision confiée à Adrien, le pater familias et à l’aînée des filles Isabelle. Qui manquent souvent de précautions et se retrouvent victimes de manipulations. Yoyo s’affaire pour la boutique de jouets automobiles annexée, pour la Fondation dont elle est nommée administrateur en 2002, devient directrice de Maeght éditions, où elle apparaît comme secrétaire sur les fiches de paie. Voilà pour le courant des jours. Hélas, quant au  fond de l’histoire, quant au fonds Maeght, comme le rapporte Yoyo, le compte n’y est pas. Sur de bonnes intentions affichées, à travers des imbroglios, des chausse-trapes, des coups fourrés, des faux semblants, des listes perdues, un ordinateur disparu, des comptes incomplets, des erreurs de gestion, des ventes incongrues d’œuvres ou de biens immobiliers, des révocations… bref, via mille et une bizarreries, touche après touche, il se trouve que ni Yoyo, ni sa sœur Florence, ne retrouvent in fine, ni dans  les papiers, ni en bonnes et dues traces d’actifs ou en finances,  leur mise originelle. C’est à dire la  part leur revenant des successions de leur mère ou de leurs grands-parents. Passons sur toutes sortes d’avanies subies par ces deux sœurs comme la recherche d’adn dans la bouche même de Yoyo par les gendarmes ou la condamnation par son aînée de l’accès à son propre bureau. Yoyo perd tout pouvoir et tout ce qui la reliait à la maison Maeght.  Il faut la logique intervention des avocats et de la Justice pour remettre peu à peu de la clarté dans la bouteille d’encre et rendre à Yoyo sa totale autonomie. « Que vais-je faire maintenant que je suis libre ? » Yoyo pose cette question en dernière phrase de son livre. Gageons que sa vivacité, son intelligence, son expérience et sa connaissance de l’art et de ses circuits lui apporteront très vite une réponse heureuse. À nous aussi…
Jacques Bouzerand

lundi 7 juillet 2014

Le Prince de Hombourg (Avignon 2014)




 
Ça commence, dans la pénombre du plateau du Palais des papes, par une étrange scène où six ou sept très beaux jeunes gens, tous nus et attributs au vent, se pelotent gentiment avant d’enfiler à l’un deux monté sur leurs épaules sa liquette et son pantalon… Ne nous sommes nous pas trompés de spectacle ? Est-ce « Le Prince de Hombourg » de Heinrich von Kleist (1777-1811) ou bien une piècette gay, « On en pince pour le prince à Hambourg » ? (1)
On est vite détrompé et ramené à la raide réalité. C’est bien Kleist que la Festival d’Avignon a voulu ainsi rhabiller de nouveaux atours. En 1951, sur le même podium, s’affichaient sur le même titre Gérard Philipe, Jeanne Moreau et quelques autres tels Jean Deschamps, Monique Chaumette, Jean Négroni, Jean-Pierre Jorris, Charles Denner… Jean Vilar aux manettes.
Nous voilà donc soixante-trois années plus tard, devant un même projet. Le pitch ? Le Prince de Hombourg, un héros romantique, est victime de crises de somnambulisme. Le voilà qui se réveille dans la cour du château et trouve à côté de lui le gant blanc de son aimée Nathalie. Las, plutôt que de rêver ou de somnambuler, il aurait dû se lever très tôt pour aller lancer une bataille… Zut de flûte. Frédéric prend ses jambes à con cou, rejoint le front, emporte la victoire. Ouf ! Eh bien non. Le prince a désobéi. Il sera châtié. La cour martiale le condamne à la mort. Lui, ne veut pas mourir, il geint, il pleurniche, mais il est fier et courageux. Tant pis, il est conduit au peloton d’exécution les yeux bandés. C’en est donc terminé. Pas du tout… car au lieu des douze balles, on lui a réservé un tout autre châtiment : le mariage avec sa belle. Il tombe dans les pommes. Fin.
Pour faire du mélo ainsi résumé un chef d’œuvre qui tienne la route, il faut non pas du talent, mais du génie. Et manifestement, à Avignon, le stock est depuis belle lurette épuisé. On nous installe sur scène une troupe de militaires en capotes grises particulièrement lourdingues et mal datées : serait-on chez Brecht ? en 14-18, après l’abandon du rouge garance ? Même Paulin, déguisé en pioupiou, avait plus d’allure que les Prussiens dans la cour du Palais des papes. Et quand on voit le Prince Frédéric en chemise et bretelles à la Feydeau on se trouve irrésistiblement pris d’un fou rire déplacé.
Laissons de côté le texte – dont la traduction m’a paru bien pâteuse pour un texte initial en vers - et écoutons le son. Fermons les yeux. Ces voix enflées, ces rodomontades, ces vociférations ampoulées, cette scansion… nous y voilà : Mounet-Sully est de retour.
Bref, le charme est rompu. Je n’ai plus que le regret de me retrouver devant un vaudeville grotesque. Nous voilà même gratifiés, avant que le (symbolique et absent) rideau ne tombe sur la catastrophe d’une bizarrerie supplémentaire. Retenu par un réseau d’élastiques le prince s’envole à mi-hauteur et se remue là-haut comme un pantin désarticulé… Drôle de façon de s‘évanouir, on l’envoie en l’air…
À ce singulier spectacle d’aujourd’hui, sans l’ombre d’un remords, je préfère cent fois le souvenir vaporeux qu'ont laissé nos idoles des planches de l’après-guerre, leurs voix sur disques de vinyle et leur images que l'on retrouve dans les encyclopédie du théâtre ou les pages de l’internet… Major e longinquo reverentia ? Certes. Les souvenirs s’améliorent avec le temps qui passe. Ah, j’oubliais. Non, non, le décor n'était pas nul… JB

(1) L
a nudité de ces garçons ne me pose aucun problème, ils étaient très regardantes.. Ce qui m'a énervé c'est le non-sens de cette entrée en matière. Le décalage entre ce prologue quasi onirique et le quasi réalisme de ce qui suivait. Si les soldats de Prusse avaient porté des uniformes emplumés face et dos, des képis avec des aigrettes, des boucles d'oreille et des éventails, que sais-je, j'aurais été moins agacé… Mais Kleist dans tout ça???

jeudi 3 juillet 2014

À propos de sculpture à Cahors

En matière d'art, on ne doit, d'abord, laisser parler que sa sensibilité. La mienne, je dois le dire, ne va ni vers Marc Petit (L'ange du Lazaret), ni vers Marcel Legrand (La guerre), ni vers Jean Cattant (L'Oedipe du Palais de Justice), ni même, oserais-je l'avouer, vers Robert Couturier, autrement plus célèbre et célébré, et qui vécut dans le Lot. Passés le génial Picasso, l'immense Giacometti, la puissante Germaine Richier, le démiurge Zadkine qui fut notre hôte lotois dans sa propriété des Arques, le magnifique César - dans sa première partie créative - et peut être quelques autres ? en tout cas, pour ce qui est des artistes interprétant à leur manière la « figure » humaine, et le plus souvent de façon néo-expressionniste - et misérabiliste - je n'ai trouvé aucun sculpteur dont je puisse me dire qu'il est un grand créateur. 


Les statues des artistes "contemporains" de cette inspiration précise, de cette branche - que j'ai pu voir jusqu'à présent - ne sont à mon avis que des succédanés, des dérivés sans prise avec notre modernité. C'est un axe de création qui a vécu dans les années de l'après-guerre et qui usé. Tout cela sent le vieux et aussi le dépassé. Sauf si le génie le transfigurait. Hélas, le génie, je ne l'ai pas trouvé au rendez vous. Il existe une autre voie de la sculpture restant proche de la figuration (qui est loin d'être morte), et qui me parait autrement plus forte et signifiante: je pense au Sénégalais Ousmane Sow, à Igor Mitoraj par exemple. Les réussites en tout cas sont rares. Considérez le ratage de l'énorme "commande publique" Mitterrand-Lang des années 80: des oeuvres représentant des écrivains ou des héros historiques (Mendès-France, Sartre, Breton, Mauriac, Bernanos, Rimbaud, Bertie Albrecht, Blum, Dreyfus, etc). La plupart de ces sculptures ont même eu des difficultés pour trouver une place dans l'espace urbain tant elles semblaient peu réussies. 


Les réserves nationales regorgent de sculptures bien mieux abouties, bien plus fortes, expressives, intéressantes, qui ne demanderaient qu'à retrouver le grand air. Autant dire que l'installation d'une sculpture en un lieu public, à la vue et à l'appréciation constante du public, me semble requérir une réflexion poussée. Et un consensus éclairé. Une réflexion sur ce qu'est l'art au XXI ème siècle - et non une resucée des années 50 - et ancrée sur les artistes dont l'intérêt dépassera peut être - la décennie, centrée sur les artistes qui ont une vision nouvelle et engagée du monde ou des formes. Le Lotois Bernard Pagès, dont une création a été mise en place dans les jardins du Conseil général est un bon exemple et très parlant. Quant aux sommes à engager pour de tels investissements, il faut quand même, être raisonnable. Les services comme celui d'Artprice sont aujourd'hui assez performants pour que la vraie valeur, la cote d'un artiste, soit recoupée à la lumière des résultats ententes publique, seuls témoins sincères et fiables. Cela dit, mon avis n'engage que moi.