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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

mardi 23 février 2010

Un polar dans d'art contemporain...

Pourquoi parler ici d’un roman policier ? Parce que ce polar est un excellent « pol…art »… « Les Visages » de Jesse Kellerman, ( publié à Paris aux éditions Sonatine, traduit en français par Julie Sibony ) intitulé « The Genius » en américain, « Art Brutal » en anglais, est un thriller qui se déroule pour l’essentiel à New York, à Chelsea, à Tribeca… autour d’un jeune galeriste, Ethan Muller, issu d’une des familles les plus fortunées des États Unis.,

Ce qui est tout à fait plaisant pour un lecteur captivé par le milieu de l’art contemporain, c’est que ce roman décrit et fait vivre avec beaucoup de vérité le comportement des agents du plus important marché d’art contemporain. Les artistes qu’ils évoque sont pour la plupart réels ( ainsi, bien sûr, Duchamp, Dubuffet, Hirst, Warhol, Twombly… mais aussi Wireman Philadelphia, Steinberger…) et leurs œuvres évoquées existent. Kellerman en parle en connaissance de cause, ce qui est loin d’être fréquent chez les auteurs de romans policiers lorsqu’ils entrent – c’est rare - par effraction dans le monde de l’art et cela donne du corps au récit. Vernissages, collectionneurs, artistes, assistants, experts, galeristes… tout y est bien vu, piqué.

Surtout, il y a dans ce livre des réflexions générales qui sonnent juste. Ainsi : « Les gens, écrit Kellerman, ne se rendent pas compte de la créativité qu’il faut pour être marchand d’art. Sur le marché actuel, c’est le galeriste, et non l’artiste, qui fait le gros du boulot. ( … ) De nos jours, en particulier, il y a tout simplement trop d’œuvres en circulation pour qu’une personne lambda puisse faire le tri entre les bonnes et les mauvaises. C’est le travail du galeriste. Nous sommes des créateurs, sauf que nous créons des marchés et que notre production englobe les artistes eux-mêmes. Les marché à leur tour créent des mouvements et les mouvements des goûts, une culture, les canons de l’acceptabilité : en bref, ce que nous appelons l’Art avec un grand A. Une œuvre d’art devient une œuvre d’art - et un artiste un artiste – dès l’instant où je vous fais sortir votre chéquier. » C’est assez finement observé, non ?

Et puis, ( pour moi c’est déterminant ), le héros a acheté quand il était tout jeune un dessin de Twombly qu’il avait accroché au dessus de son lit à Harvard… Je ne déflorerai pas la formidable intrigue qui tient en haleine tout au long des 470 pages du volume. Je dirai simplement qu’elle se tisse aussi au coeur de la saga de l’Amérique et qu’elle est plus qu’ habilement ficelée. Génial…quoi. Sachez seulement que l’histoire est née à Lausanne d’une flânerie hyper-imaginative autour de l’œuvre extravagante – et réelle - de l’artiste concierge Henry Darger… Et que le roman a été élu "meilleur thriller de l'année" par le "New York Times" et le "Guardian". Références...

Qui est Jonathan Kellerman ? Il est né à Los Angelès le 1 er septembre 1978. Ses parents, Jonathan ( psychologue ) et Faye ( dentiste ) sont devenus écrivains et ont accumulé les succès de librairie. À Harvard, Jonathan junior a étudié la psychologie et les comportement antisociaux. Il a d’abord écrit pour le théâtre et remporté en 2003 le Prix Princesse Grace. Il vit en Californie avec son épouse Gabriella et leur premier bébé. « The Genius » est son troisième roman après « Sunstroke » ( 2006 ) et « Trouble » ( 2007 ) que je vais m’empresser de lire en attendant son quatrième » L’Exécuteur » qui doit sortir le 1er avril 2010.


Le hasard de mes lectures a fait que juste après ce livre j’ai lu, dans un tout autre registre mais dans le même monde, celui de Cécile David-Weill, « Les Prétendants », publié en janvier aux éditions Grasset. Cette fille de puissante famille de banquiers dont l’art est un des moteurs y invente une comédie délicieusement persifleuse qui agite des milliardaires et leurs invités ( la famille, les piliers, la petite bande, les olibrius, les habitués du 14 juillet, les « tickets de cantine »…) à « L’Agapanthe » la villa patrimoniale du Cap d’Antibes. Les menus travers et les fautes inexpiables de savoir-vivre ou d’étiquette des uns ou des autres y sont disséqués par une plume alerte et avisée. On y croise Maurice Saatchi et Karl Lagerfeld, Diane de Fürstenberg, Larry Gagosian et Christian Louboutin et pas mal d’autres dont il faut décrypter les identités. On y découvre les menus de la gentry et ceux du personnel et même la recette détaillée du « cœur à la crème », un dessert pour 8 à 10 personnes. On y passe un été charmant ( quoique…) sous le soleil et les pins parasol crissant de cigales, tout n’est que lavandes, cyprès et lauriers roses, on est assis sur des chaises de Sol Lewitt, et on dîne dans des assiettes de Picasso… Tout un univers.

lundi 22 février 2010

One day shot exposition le 25 février...



Ce sont trois jeunes artistes de la
toute nouvelle génération qui
exposent leurs toutes récentes
créations. Voici leurs noms: Neo
Tony LEE, à l'imagerie explosive;
Stéphane Gautier, dont les assem-
blages colorés surprennent les
rétines les plus usées et Burglar,
Jonathan Spitzer, peintre et
sculpteur, inventeur d'un drôle de
personnage extrême et iconique.
Ces trois artistes, ces trois amis,
ces trois découvertes réciproques,
avec entrain, montrent leurs
travaux le simple temps d'un
clin d'oeil, le jeudi 25 février,
dans une galerie au 41 de la rue
de Turenne. Cela vaut la peine de
bouger son agenda pour y courir
dare-dare et découvrir un
ensemble de créations défrisantes....

jeudi 18 février 2010

Georges Mathieu, artiste sous-coté.

Pourquoi Georges Mathieu est-il par les temps qui courent si mal considéré en tout cas coté si bas? Ce peintre a eu, dans un passé encore récent, tous les honneurs. Il a été considéré dès 1951 par André Malraux comme « ‘ le ‘ calligraphe occidental » ( une qualification vaguement à côté de la plaque, mais tout de même… ). Mais il n’a pas, n’a plus, comme on dit, la carte. Il faut voir dans le dernier numéro de « La Gazette de l’hôtel Drouot » sa belle toile, « Nuit creuse ». Cette huile sur toile signée en bas à droite, de 
89 x 116 cm, peinte en 1981, provenant de la galerie Protée, présentée aux enchères le 13 février à Nice par Boisgirard Provence Côte d’Azur n’était estimée que de 80 à 100 000 €… Elle pourrait être négociée autour de 70 000 €… Relevée sur l’indispensable site « Artprice » la cote de Georges Mathieu, ces dernières années, s’étage du plus haut au plus bas, de 240 000 € pour une toile majeure de 2007, « Prédiction de Grégoire VII » de 1957 à 90 ou même 60 000 € pour des toiles moins connues ou plus récentes. Un autre tableau de Georges Mathieu, signalé par "La Gazette" du 19 février, ( belle image ), de 97 cm x 195, estimé de 140 à 160 000 €, "Oxum" de 1987, sera mis en vente le 27 février aux enchères à Cannes par la société de ventes André Appay-Nicolas Debussy.

Quand on compare ces résultats avec ceux d’autres artistes de même talent, de même génie, de même nature on ne peut qu’être choqué par une si faible valorisation. Ainsi en novembre 2006, la toile « n°5 » de Jackson Pollock, peinte en 1948, a été vendue dans une transaction privée pour la somme de 140 millions de dollars et est devenue ainsi des œuvres les plus chères de tous les temps. Qu’a donc fait Mathieu pour être si loin de compte ? Rien qui justifie une telle claque. Cet artiste a tracé sa voie de façon autonome, inventant une façon de peindre typiquement personnelle. Ses œuvres sont souvent magnifiques.

À propos de la toile mise en vente, la critique d’art Caroline Legrand écrit dans « La Gazette de l’hôtel Drouot » : « L’élaboration de l’œuvre passe par la vitesse et le risque, mais insensiblement une structure se dégage, comme un message émergeant de la matière. L’expression profonde de la révolte de l’artiste »

Cette critique d’art cite aussi des phrases d’explication du peintre : « Le signe précède sa signification » comme il l’expliquait à propos d’oeuvres réalisées en 1960 ; « Je voulais un changement radical, un absence totale d’idéologique antérieure » précisait t-il en 1994.


Né le 27 janvier1 1921 à Boulogne-sur-Mer dans une famille de banquiers, Georges Victor Mathieu d'Escaudœuvres, appelé Georges Mathieu, s’oriente en 1942 vers la peinture après avoir fait des études de droit, de lettres et de philosophie. Au Salon des Réalités Nouvelles, en 1947, il expose des toiles où la peinture jaillie du tube s’écrase sur la surface en y traçant des signes à la fois puissants et élégants. Mathieu peint debout des toiles placées verticalement. C’est de la peinture abstraite, qui ne représente pas quelque chose mais qui s’exprime par sa seule présence et sa seule vertu. ( Comme chez Jackson Pollock au États Unis qui pratique le dripping dans les année 40 pour couvrir la toile posée au sol ) . On parlera pour cette innovation de Georges Mathieu d’ »abstraction lyrique ». Mathieu accroche l’œil. Dans les années 1950, il expose aux États-Unis et au Japon. Ses tableaux, il les peint parfois en un temps record au cours de happenings ou de performances devant un public. En 1963, il est une des vedettes de la rétrospective historique au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. « Air France » lui confère une vaste campagne publicitaire qui prend appui sur plusieurs de ses toiles. Il dessine la pièce de 10 francs en bronze qui a circule dans toutes les poches de 1974 à 1987.
Du temps a passé. Mise à part une belle rétrospective au Musée du Jeu de Paume en 2002, Georges Mathieu n’est guère soutenu par nos institutions ou nos penseurs de l’art. C’est plus qu’une erreur une faute contre un artiste français majeur que l’Histoire de l’art reconnaîtra comme un grand et auquel elle accordera une belle place.








artprice






vendredi 12 février 2010

Quésaco ces calicots ??? ( avec suite et fin )

Une nouvelle "affaire" remue le landerneau des arts... Je résume d'après "Libération" qui a mis la puce à l'oreille de toute la communauté des arts, des lettres et du spectacle. " Siu-lan Ko, une artiste chinoise, a été censurée pour une œuvre jugée trop provocatrice à l'encontre de Nicolas Sarkozy." Son " oeuvre" , des banderoles géantes, mises en place mercredi matin sur la façade de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, quai Malaquais, a été retirée d'autorité dans la journée. On pouvait y lire quatre mots: «travailler», «gagner», «plus», «moins». «Selon l'angle de vision, le slogan de Sarkozy peut être vu différemment», explique l'artiste, qui a conçu et réalisé son œuvre à Pékin.

Cette intervention "artistique" se plaçait dans le cadre d'un projet intitulé «Week-end de sept jours» – réunissant des étudiants du programme de recherche La Seine ; des étudiants du Royal College of Art de Londres, et de Lassalle College of the Arts de Singapour. Du coup, toute l'Anti-Sarkosie ( prompte à monter aux rideaux dans les blogs ( voir celui de Libé ) crie au scandale, à la censure, à la dictature... que sais-je... En ordonnant samedi ( "20 minutes.fr " ) le ré-accrochage de l'oeuvre, le Ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a fait preuve d'un grand libéralisme. Et a mis fin habilement à un tintamarre injustifié: Bertrand Delanoë, Maire de Paris, et Christophe Girard ( son adjoint la Culture ) - jamais en panne d'imagination sournoise- avaient déjà invité "l'artiste" à exposer au "104", l'ancien dépôt des Pompes funèbres transformé - à grands frais - en lieu d'art mais désert de visiteurs. Elle n'aura pas perdu son temps, Miss Siu-lan Ko... Elle devrait envoyer des gerbes de fleurs à ses "censeurs" qui lui ont fait acquérir ) à 100 à l'heure une sorte de "célébrité" parisienne. Mais pour la gloire, il faudra qu"elle travaille un peu plus.


Post Scriptum et post Lectum: Certains de mes ( sympathiques ) lecteurs me reprochent de ne pas être assez ferme, dans ce texte, contre la censure. Je tiens compte de leur avis et de leur lecture pour préciser s'il en était besoin, mon abjection résolue de la censure. Totale. Indiscutable. Absolue. Je ne peux pas dire plus... Reste à savoir si dans l'"affaire" des calicots de Mlle Ko, il s'agissait bien de "censure"... ( censure de quoi ? de quatre mots neutres que leur rapprochement aléatoire fait vibrer d'un message si plat que nul ne peut avoir envie de le " censurer" ). Ou s'il ne s'agissait pas plutôt d'une remise en ordre logique d'une exposition dont la commissaire avait perdu la main et le commissariat. ( Laisser suinter hors les murs Une pièce, et une seule, et pourquoi celle là ? )

Je pose ( j'ose poser ) pourtant quelques questions: 1 ère question: Qui peut affirmer sans rire qu'un affichage de 4 mots à connotation politique est une oeuvre d'art ??? Qu'un jeu de mots éculé ( tous les chansonniers de Ruquier à Guillon via Carlier et autres histrions l'ont fait cent fois ) simplement repris et écrit en lettres d'affiche et installé aussi visiblement soit une oeuvre ? Ni les enfants de Marcel Duchamp dont les provocations étaient quand même plus subtiles et plus cinglantes. Ni les émules du Pape Benjamin Vautier ( Ben ) qui, lui, a de l'humour. 2 ème question: Qui peut assurer que cette jeune fille est une « artiste ». Elle est étudiante.. .en "art". A l'École Nationale des Beaux … Arts...ou dans une école du même acabit... ce qui, de nos jours ne signifie pas nécessairement grand chose. L'école a une "obligation de moyens, pas de résultats". 3 ème question; Qui a autorisé l'exposition à sortir des murs de l'école. L'exposition est prévue dans les murs, pas sur les façades.... 4 ème question; Qui est ce brillant "commissaire " d'exposition ? Un professeur ? Pas très exigeant… 5 ème question: Comment ce " commissaire " a t-il pu donner l'autorisation et les moyens d'accrocher es panneaux sur le Quai Malaquais ? 6 ème question: L'affichage de trois mots, trois seulement, en banderole d'acier à l'entrée d'un camp de la mort, celui d'Auschwitz, "Arbeit macht frei ", était-elle une action artistique ???

Pour être relevée, une provocation doit avoir du talent… Hélas, ce n'est pas le cas de cette malheureuse jeune femme... Lawrence Weiner a fait mieux, il y a déjà de longues années. Ben ( pardon à lui de le citer dans cette histoire piteuse ) a fait toujours mieux que ça, bien mieux même dans ses pires moments ( rares ) de basse inspiration... Moi, ce qui me gêne dans cette affaire, si affaire il y a, c'est la platitude de l'intervention.... Quant au texte... On en a vu d'autres... Ne vous inquiétez pas pour moi, je ne suis pas choqué par le propos, il est si faible... Avec son "Merde à Dieu! " Rimbaud lançait, oui, une injure suprême et une vrai et sublime provocation... Il se mettait en danger. La petite artiste en herbe ne fait que reproduire sur un calicot une blague élimée et très conne. Ben oui si on bosse plus, en principe, on se fait plus de blé. Ben oui quand on est au chomdu on bosse moins et on se fait moins de pognon. Ben oui quand c'est dur de trouver un boulot bien payé il faut bosser plus qu'un fonctionnaire pour gagner moins qu'un fonctionnaire... On peut en rajouter dans le poujadisme de tous bords…. Ce sont des lapalissades, des vérités tellement évidentes... And so what ? Jouer sur les mots; ça fait peut être sourire mais, désolé, ça ne fait pas une oeuvre d'art… En outre, si ces banderoles avaient été tendues à l'intérieur de l'École des Beaux Arts, dans le cadre de l'exposition, et non pas sur le domaine public, dans l'espace public, elle n'auraient pas été décrochées. Personne ne les aurait remarquées....

Post Scriptum et post Lectum: Certains de mes ( sympathiques ) lecteurs me reprochent de ne pas être assez ferme, dans ce texte, contre la censure. Je tiens compte de leur avis et de leur lecture pour préciser s'il en était besoin, mon abjection résolue de la censure. Totale. Indiscutable. Absolue. Je ne peux pas dire plus... Reste à savoir si dans l'"affaire" des calicots de Mlle Ko, il s'agissait bien de "censure"... ( censure de quoi ? de quatre mots neutres que leur rapprochement aléatoire fait vibrer d'un message si plat que nul ne peut avoir envie de le " censurer" ). Ou s'il ne s'agissait pas plutôt d'une remise en ordre logique d'une exposition dont la commissaire avait perdu la main et le commissariat. ( Laisser suinter hors les murs Une pièce, et une seule, et pourquoi celle là ? )

mercredi 10 février 2010

Attention, un Camus peut en cacher un autre !!!

Un Camus peut en cacher un autre

Chacun sait que la littérature française compte deux Camus. Le premier des deux, chronologiquement, Albert, par les temps qui courent est porté aux nues et quasi-panthéonisé ( il l'a échappé belle ce me semble ). Il occupe en tout cas vastement le terrain patronymique. Ce Camus là, je dois le dire, je ne le fréquente plus guère depuis mes 20 ans, ce qui fait un demi-siècle si je compte juste. « Le mythe de Sisyphe » et « Caligula » avaient épicé ma 1ère littéraire. « L'Homme révolté » avait nourri mon année de philo. Quant à « L'Étranger », je l'avais décortiqué une année durant sur les bancs de la Sorbonne et sous tous les angles : stylistiques, sémantiques, grammaticaux, politiques… Ah ! le cours enflammé de Marie-Jeanne Durry… Le livre était au programme du certificat de licence ( ancienne formule)… J'en fus, d'Albert Camus, comme une oie grasse, gavé.
L'autre Camus, qui m'intéresse davantage, c'est Renaud Camus. Il est vivant et bien vivant. Exilé volontaire de Paris, il demeure une grande partie de son temps désormais dans le Gers, au château de Plieux ; mais il voyage aussi beaucoup. Tous les deux ou trois ans au gré des publications et de mes emplettes en librairie je lis – et souvent savoure - un tome de son Journal, d'abord édité par P.O.L. ( années 87 à 93 ; puis par Fayard ) . Et sans connaître Renaud Camus, sans l'avoir jamais croisé, je me sens assez en familiarité avec son univers qu'il dépeint par le menu.
Je viens de terminer le dernier tome paru, chez Fayard donc, celui de l'année 2007, qui s'intitule « Une chance pour le temps », formule reprise de la mère de l'auteur – une femme au sacré caractère - dont la présence ( ou l'absence ) donnent lieu à des récits riches en coups de pinceau multicolores et subséquemment à la progression au fil des ans d'une sorte de récit de Théramène goûteux.
Renaud Camus a un art chantourné et très efficace de se faire des ennemis : il va les chercher dans tous les recoins. Il peste ainsi, flamberge haut dressée, contre toutes sortes d'inconvénients de la vie de société contemporaine : les portes qui claquent dans les hôtels, le décrépissage des maisons de campagne, les cadeaux qu'on lui fait de somptueuses boites de chocolat, le temps perdu pour des broutilles ou des formalités, les cuirs et autres galimatias de la radio et de la télévision, l'avocat qui ne répond et ne rappelle jamais, la tranche de pain de mie trop grillée ou trop tôt ( « Le toast a une durée de vie de trois minutes et demie » ), le non respect de la parole donnée, la signalétique envahissant les sites historique, les malotru/es qui bouffent partout et n'importe où, le massacre de la langue française, l'incompétence de certains journalistes, la violence individuelle… Ce qui dans cette litanie pourrait passer pour une manifestation aigüe de paranoïa n'est au fond que le réflexe de défense et de survie d'un être sensible et sensé. Pas dupe. Et qui, lui, ose dire. Car à bien y regarder, il n'est guère de ses détestations que je ne partage. J'en récuse une ou deux, mais j'en ai d'autres… Nous devrions être nombreux dans ce cas.
Ce qui énerve par dessus tout Renaud Camus, c'est ce qu'il nomme « La grande déculturation » dont nous sommes parfois sans le savoir tous victimes et qui détruit plus habilement et plus cruellement que la termite les fondements d'une civilisation. Comment ne pas acquiescer au jour jour, englués que nous sommes - volens nolens – dans le ronron que nous servent à la louche souvent la presse et surtout les programmes des radios et des télévisions ( tous genres confondus de la grande musique aux variétés et à l'éditorial ; de l'animateur de service à la publicité ).
Dans le genre râleur, il faut saluer la particulière réussite, ( hélas pour le confort de Renaud Camus ) de la saga –récurrente au long des pages du volume - du chauffagisme et des pompes à chaleur de Plieux. En quelques mots, pour faire monter la température à un niveau vivable ( un peu au dessus du 19 ° de l'écologisme militant ) – ou surtout au dessus d'une température invivable ( 14 °) il faut dans le vaste château de Plieux de bons moyens de chauffage et, autant que possible, les moins dispendieux. Et c'est là que commence l'histoire avec un tourbillons de margoulins promettant monts et merveilles climatiques grâce aux innovantes pompes à chaleur mais se révèlent incapables de les installer et de les faire fonctionner, les chauffagistes qui se laissent commander une chaudière pour Butane qui n'existe pas, en livrent une autre moins puissante, démontent des tuyauteries qui attendaient l'expertise, les tribunaux et les avocats qui multiplient les erreurs de procédure, ou restent inactifs, les traites qui continuent à courir d'un organisme de crédit affamé, sans parler du triphasé et des convertisseurs… bref une vraie histoire de vie quotidienne qui pourrait n'être que le récit crispé d'emmerdements indémerdables si elle n'était mise en musique par un vrai écrivain qui donne aux mots leur sens et aux phrases leur colonne vertébrale. Du coup, on se désole pour le narrateur tout en se régalant de son style.
Loin d'être un atrabilaire perclus, Renaud Camus est aussi un admirateur. Il a des passions, des rencontres qu'il sait faire partager. Celle de T.S.Eliot et de Jean Verdenal. Celle de « La disgrâce d'Aman » de Rembrandt venu de l'Ermitage pour une exposition, celle d'une encre d'Henri Michaux ou de l'œuvre du peintre américain Cy Twombly ( ce qui est pour moi un signe définitif ).
Il est aussi un voyageur comme on n'en fabrique plus qui connaît dans les périmètres qu'il a fréquentés, dans le sud-ouest français, dans le sud britannique, à Rome où il a été pensionnaire de la Villa Médicis, ailleurs, tous les manoirs, toutes les maisons de charme, toutes les châteaux, toutes les habitations d' écrivains, de penseurs, de poètes, d'artistes dont l'esprit créatif hante toujours ces « Demeures de l'esprit ». Il sait voir les monument et y ramener les souvenirs cultivés. Ce promeneur infatigable qui a parcouru avec ses chiens tous les vals et prairies autour de chez lui sait jouir de la vision d'un arbre de Judée en fleurs. D'un tableau de Marcheschi. Il aime la musique et Dutilleux, la littérature et « La Religieuse Portugaise », la poésie et Leconte de Lisle ( avec par exemple son poème « Le Manchy ») ou Catherine Pozzi… Comment ne pas apprécier, dans son Journal, cette fête permanente des mots et de leur musique, de leur rythmes, des idées et des images, des souvenirs et des explorations. Ce Journal est un feu d'artifice de lettré et d'honnête homme qui n'aime pas s »en alisser conter. Et suprême agrément il est écrit dans un français vivace, riche, mais toujours contrôlé par les bonnes règles. En outre il a été relu, corrigé et l'on n'y trouve pas de ces faiblesses qui polluent souvent trop d'ouvrages. ( Sauf, 1, 2, 3 Soleil, un o à la place d'un e dans la 4ème ligne du 4 ème paragraphe de la page 206. C'était pour le fun… ) Alors, quand on lit des livres de cette qualité on reste ébahi par le peu d'écho qu'il suscite. Nous avons là une personnalité dont la fréquentation est une émulation. Sa conversation – comme dans les Salons que fréquentait Proust ou Natalie Barney- est une invitation à mieux lire, à mieux voir , à mieux écouter, réfléchir, comprendre, discuter, à devenir plus cultivé, plus intelligent, une incitation à mieux vivre quoi… et ça laisse de marbre les marbres de nos journaux et les MacBooks de leurs critiques littéraires. Au fond, voilà bien le révélateur de cette "déculturation" massive et passive que Renaud Camus dénonce avec pertinence.

La " sauce francetélévisions "

Le système français de la télévision publique est féroce et gardé par des Cerbères. Un producteur non-"référencé" (comme on dit dans les supermarchés) doit montrer un courage surhumain et une volonté d'acier trempé pour affronter les terrifiants verrous de France télévisions... Dans ce monstre complexifié, il n' y a de place que pour les affidés qui se gavent. Le malheur est que ces derniers -sans se casser la tête- reproduisent indéfiniment leurs vieilles recettes moisies dans leurs vieilles marmites cabossées et leurs casseroles cramées. Ils y mijotent leurs manies surannées, et, hélas, leurs échecs jamais sanctionnés par les responsables même quand le public les souligne en désertant ou en boudant les émissions... France télévisions dispose pourtant de beaucoup d'écrans en principe différenciés qui devraient pratiquer la... diversité de l'offre. Nicolas Sarkozy a eu la bonne idée -et particulièrement "service public"- de dégager France télévisions des contraintes de la publicité. C'était pour donner à la télévision de service public la possibilité d'innover, de créer des émissions sensées, culturelles, cultivées et vivantes, attractives, bref nouvelles, sur les différentes chaînes. France télévisions tout au contraire a aplati, gommé, nié les différences et diffuse désormais un brouet ingrat qui tend à devenir identique sur France 2,3,5, 4, etc. La "sauce France télévisions" ça vous enrobe aussi bien le poulet, le chicken, que les navets et le boeuf-carottes... Comme l'a dit à bon escient Cyril Viguier, "les marques de France télévisions se sont dévalorisées". Que sont en effet devenues dans leur nature même France 2, France 3, France 5 et les autres depuis 5 ans ? Sinon de pâles copies de ce qu'elles étaient (parfois en pire : voyez Ruquier et son show radoteur (qui fait la même chose partout sur Europe 1 et sur France 2 où il puise dans les mêmes sacs à vannes avec des façons de comique troupier dignes des années 1900)), Sébastien et son cabaret usé jusqu'à la corde, ne parlons même pas des fins de matinées indignes du service public avec des jeux débiles et un Nagui accroché au "Service public" par un contrat béton (mais... tiens... aussi à Europe 1)... Du coup, les Lepers, et autres Les chiffres et les les lettres, font figure de piliers iconiques, de gardiens de la flamme de l'esprit et par l'effet nostalgie peuvent encore racoler et séduire. C'est dire... C'est plus que tristou. C'est indigne de la libération des esprits que programmait la libération de la tutelle de la publicité. Pourquoi donc, au lieu de rabâcher, France télévisions ne donne-t-il pas sa chance à l'innovation, à des producteurs nouveaux qui ont des idées claires et qui connaissent les nouvelles voies du métier (qu'ils ont pour certains expérimenté aux États Unis, pays de la télévision bien vivante).

mardi 9 février 2010

Le vrai succès de la Pinacothèque de Paris


Le vrai succès de la Pinacothèque de Paris

Agréable communiqué de la Pinacothèque de Paris; « L’âge d’or hollandais de Rembrandt à Vermeer » présentée par la Pinacothèque de Paris a reçu en 4 mois, 700 000 visiteurs venus admirer les chefs d’œuvres du Rijksmuseum, qui pour la première fois étaient exposés à Paris. Les derniers jours ont été marqués par une affluence exceptionnelle : plus de 2 heures d’attente pour entrer et 8000 personnes enregistrées le vendredi 5 février. La Pinacothèque a dû prolonger l’ouverture jusque tard dimanche soir pour permettre à tout le monde d'entrer. Encore à une demi-heure de la fermeture officielle la file d'attente se prolongeait jusqu'à la moitié de la rue Vignon, soit sur plus de 400 m.

"Cette exposition, poursuit le communiqué, apparaît incontestablement comme l’événement incontournable de la saison 2009-2010 à Paris.
« L’âge d’or hollandais – de Rembrandt à Vermeer, est l’exposition de la Pinacothèque qui a attiré le plus de visiteurs depuis « Les soldats de l’éternité.» précise Marc Restellini, directeur de la Pinacothèque. « La Pinacothèque de Paris est devenue en quelques années l’un des tous premiers lieux d’exposition à Paris, en terme de programmation et de fréquentation. »

Pour ma part, je suis très heureux de ce succès d'une entreprise privée qui s'est donné pour but de montrer de l'art. Ce n'est pas une entreprise philanthropique... Et alors ? C'est en tout cas une entreprise qui donne satisfaction à ses clients amateurs d'art. Si elle y trouve son bénéfice, c'est qu'elle connaît son métier. Elle a compris que tout un public était disposé à se déplacer pour admirer des chefs-d'oeuvres dans un cadre privé. Est elle en concurrence avec les Musées nationaux ou publics. Certes. Comme le musée de la Fondation Dina Vierny et le Musée Dapper... beaux exemples aussi. Mais cette concurrence est tout sauf déloyale. Elle pourrait , elle devrait inciter les commissaires d'expositions publiques à penser plus souvent aux... publics qu'à leurs confrères ouà leurs collègues en commissariat. Et à ouvrir plus et mieux les portes de leurs musées à des expositions moins savantes que plaisantes. Des expositions plus limitées aussi parfois que les grandes messes ( inoubliables et indispensables ) qu'ils nous mijotent et nous proposent mais sympathiques, accessibles, attractives.

samedi 6 février 2010

Le record Giacometti et la Fondation Maeght




Le record de Giacometti et la Fondation Maeght

J'ai bien aimé ouvrir, ce matin cet email venu de Londres au lendemain de la vente par Sotheby's d'une sculpture célèbre d'Alberto Giacometti. Voici l'email reçu:

"Hier soir record absolu :
"Il s'agit de l'œuvre d'art vendue dans une vente publique pour le prix le plus élevé", a déclaré une porte-parole de la maison d'enchères.

Le bronze de l'Homme qui marche par Giacometti, a été vendu pour 104,32 millions de dollars (quelque 75 millions d'euros). Le précédent record avait été atteint avec un tableau de Pablo Picasso, Garçon à la pipe, vendu pour 104,2 millions de dollars en mai 2004.

Le premier Homme qui marche devait faire partie du projet pour la Chase bank.
Projet refusé par la banque.
Alors mon grand-père, Aimé Maeght, décide de confier la cour de la Fondation Maeght (alors, en 1959, en construction) à Giacometti pour que l'Homme qui marche trouve enfin la place qu'il mérite.

La Fondation Maeght possède les 2 versions de l'Homme qui marche, celle identique au bronze vendu hier soir et une version plus grande.
Pièces exceptionnelles car au lieu d'une patine, elles sont peintes sur le bronze par Alberto Giacometti.

Seule collection au monde à avoir les deux versions.
On pourra les voir cet été, en France, à Saint Paul !

Le marché n'a jamais dicté les choix de la famille Maeght, mais quand le marché valide les choix, passions et convictions de Maeght, je ne peux qu'être émue.

Parmi les artistes Maeght, il y a eu Bonnard, Matisse, Braque… Maintenant Giacometti.
Prochainement Miró, Calder, Chillida et Tàpies, puis le grand public découvrira enfin Rebeyrolle et Gasiorowski.

Après un tel record, regarderons-nous avec autant de simplicité les Giacometti que nous avons à Saint Paul ?
Mais oui, le regard est spontané, c'est ça la magie de la Fondation Maeght.

Best from London
Yoyo Maeght "

Cela fait du bien, lorsque l'art, pour des raisons d'actualité sonnante et trébuchante, explose dans les écrans de télévision et déboule sur les unes des quotidiens, de rappeler que l'art est d'abord "magie" , comme le dit si justement Yoyo Maeght. Il est aussi question de perception, d'affinité, d'amour. La création de cette sculpture mise aujourd'hui en vedette, "L'homme qui marche", ne se perd pas dans la nuit des temps. 1959, ce n'est pas si loin de nous, tout juste un demi-siècle.

Alberto Giacometti réfléchissait alors au projet que lui avait proposé, en décembre 1958, l'architecte américain Gordon Bunshaft de réaliser des sculptures pour orner la place située devant le nouveau bâtiment de la Chase Manhattan Bank dans le quartier de Wall Street. Il ne parvint pas à trouver l'idée qui lui aurait permis de satisfaire l'architecte et son marchand New-Yorkais Pierre Matisse. " Les difficultés à propos des sculptures de New York n'ont rien à voir avec le fait de la destination, banque, capitalisme, etc. comme tu sembles le penser. Non cela ne me gène pas du tout. C'est uniquement une question de sculpture, de dimensions, proportion, figuration, etc? Il fallait interrompre ce travail au moins provisoirement pour prendre des distances mais je vais le reprendre dès que possible. Mais comme les grandes sculptures m'ont ramené à la base même de mon travail, il faut d'abord que je voie un peu clair là. " écrit Giacometti le 2 février 1960 à Pierre Matisse, comme le relève dans son livre "Matisse père et fils", (en français aux éditions de la Martinière - 1999) , le critique d'art international John Russel.

C'est ainsi qu'au faîte de sa réflexion et de son art Giacometti trouva chez son ami Aimé Maeght, dans la cour de la Fondation de Saint Paul de Vence un cadre exceptionnel pour sa sculpture mythique. C'est l'occasion ici de rendre à cette famille Maeght l'hommage qu'elle mérite. Aimé ( 1906-1981 ) fut ce marchand inventif qui avec sa femme Marguerite exposa et soutint les plus grands: Matisse, Braque, Léger, Calder, Chagall, Miro,Giacometti, Pougny, Bonnard, Adami, Rebeyrolle, Bram van Velde, Tapiès, Ubac, Tal Coat, Bazaine, Chillida, Riopelle, Alechinski, Monory... Incroyable palmarès inscrit dans les catalogues de Maeght. Après lui, son fils Adrien puis les enfants de celui-ci Yoyo, Isabelle, Jules ont poursuivi, avec les collections et de nouveaux artistes aussi comme Ikeda, Marco del Re... cette recherche infinie de l'absolu. Yoyo Maeght a consacré à cette fabuleuse aventure en marche un beau livre aux Éditions de La Martinière: " Maeght: la passion de l'art vivant". Vivant, oui, très vivant... Comme la Fondation qui consacrera cet été, sa grande exposition annuelle à Giacometti.

"L"Homme qui marche" y figurera naturellement à côté de plus de cent vingt œuvres de Giacometti Parmi elles, les grandes peintures portraits de Marguerite Maeght, des dessins portraits d'Aimé Maeght, des meubles faits pour la Fondation ou la maison de la famille Maeght, des sculptures depuis les oeuvres de l'époque surréaliste de Giacometti jusqu'à la série complète des Femmes de Venise, Le chien, Le chat, les rarissimes plâtres peints, les films et photos de famille. La Fondation Maeght donnera ainsi à voir et à admirer un ensemble d'oeuvres et de souvenirs d'une richesse inouïe et d'une charge émotive puissante qui remettra en lumière en les ravivant les liens amicaux qui unissaient les frères Giacometti, Alberto et Diego, à la famille Maeght.


(À noter que la Fondation Maeght est actuellement fermée, réouverture prévue mi-avril.)