Quand il a été question,
en France, de réaliser de nouveaux vitraux, après la guerre de 1939-45 ou après des siècles de délabrement,
pour rafraîchir les grands monuments historiques que sont les églises et les
cathédrales, les pouvoirs publics se sont efforcés au fil des ans de confier
l’œuvre à des noms dont on était certain que l’histoire de l’art les porterait
et les honorerait. Ainsi des vitraux prestigieux
ont été imaginés par les plus grands artistes vivants : Chagall à Reims et à
Sarrebourg, Soulages à Conque, Garouste à Talant, Viallat à Aigues-Mortes, Bazaine à Saint-Séverin, Manessier à Abbeville,
Matisse à Vence, Cocteau à Metz…
À Cahors, pour la
Cathédrale Saint-Étienne, bâtie à partir du
XI ème siècle sur l’emplacement d’une église du VI ème siècle, il
s’agissait de remplacer des verrières transparentes, ou plutôt translucides,
installées au XIX ème siècle. L’opération de sélection a été menée par la
« Direction régionale (Toulouse, Midi-Pyrénées) des affaires culturelles »,
la Drac, qui dans son appel d’offre de 2010 soulignait « le
caractère exceptionnel du bâtiment ». Une trentaine d’artistes, dit-on, ont
concouru devant le jury composé – comment?, de qui ? - par la Drac, pour
imaginer les onze verrières à rénover, soit 90 m2 de vitraux. Le choix d’un artiste s’est porté sur Gérard
Collin-Thiébaut., un artiste de Franche Comté qui
a travaillé, selon les dossiers, « à partir d’emprunts iconographiques,
des images de tableaux, de fresques ou encore de photographies qu’il a ensuite
juxtaposées ou superposées ». Les nouveaux vitraux ont été inaugurés le
samedi 8 juin par les autorités civiles et religieuses et sont visibles depuis
par le public et les fidèles.
Je
les ai vus et j’ai été tellement déçu par le spectacle désolant de facilité, de
vulgarité même, que je ne puis écrire que mon désarroi. Dans le chœur de la
Cathédrale les vitraux anciens sont, Dieu merci, toujours aussi magnifiques
avec leurs rouges rutilants, leur bleus, leurs jaunes… , avec leur discours
facile à interpréter sur les significations et les mystères de la foi. Et, à
côté de ce chef-d’œuvre, que nous ont, sur près de cent mètres carrés, imposé
l’artiste désigné et ses commanditaires ? Une suite d’images incohérentes,
de tonalités lavasse, aux coloris affadies, découpées et recomposées comme à
l’école primaire – section travail manuel-
selon une histoire que nul ne peut saisir car ces fragments recomposés
mêlent des portraits ou des personnages d’époques et de styles différents, recopiées
de modèles venus d’on ne sait quel livre en offset. Imaginez un découpage de
photos disparates sorties des pages artistiques de quelques Paris-Match d’antan
et défraîchis.
C’est
fade, oui, mais en plus c’est moche. Où est la ligne directrice ? le
concept ( artiste conceptuel ? bigre) ? le beau ? On pouvait s’attendre
à ce désastre. Car ici, la « création » qu’on espère d’un véritable
artiste s’est bornée comme expliqué ci –dessus, à la juxtaposition de morceaux
de photocopies d’autres propositions d’autres artistes d’un passé plus ou moins
lointain. La confrontation avec les lignes fermes de la Cathédrale, le sublime
des vitraux venus du passé n’en est que plus dramatique. Les coloris des
nouveaux vitraux n’ont pour effet que de
diminuer la luminosité du lieu sacré.
Sans vouloir être
offensant, je ne suis pas certain pas que la notoriété de Gérard
Collin-Thiébaut soit du calibre de celle des artistes qui précèdent. Certes, je
sais que GCT a réalisé les vitraux du transept Nord de la Cathédrale Saint-Gatien de Tours et je crains qu’il n’emporte le concours
lancé pour la Cathédrale de Lyon comme a dit le souhaiter Mgr Barbarin… Je sais
qu’il a produit le Mémorial national de la Guerre d’Algérie et des combats du
Maroc et de la Tunisie au Quai Branly…, qui ne frappe pas les mémoires ;
je sais qu’il a conçu, selon Wikipedia, des décorations pérennes pour le Musée
international de la parfumerie, à Grasse ; pour le Mémorial de la Loi de
1901 sur la Liberté d’association à Plainoiseau ; une Tapisserie à la
mémoire de Pasteur", pour la Préfecture de Lons-le-Saunier ;
"Des Baigneuses pas très académiques" place de Bretagne, à Rennes, ;
"Les signes du temps" pour la Médiathèque de Quimperlé ; et d’autres
choses pour la Bibliothèque Droit
et Lettres de l’Université de Pau….
Ce Gérard
Collin-Thiébaut, si bien achalandé de fournisseurs attitrés de commandes
publiques ressemble plus à un artiste officiel qu’au génial créateur qu’on
aurait souhaité pour un lieu tellement chargé d’histoire et de mémoire.
Le parti-pris général, j’imagine, a été de faire confiance à un artiste qui ne fonce pas dans l’aventure, qui n’aille pas vers l’abstrait. (Quelle horreur l’abstraction pour nos élites des administration !… )Avec ses images bien figuratives de Catéchismes, il pouvait séduire les religieux et même les profanes pressés… Et c’est ce qui est advenu. Le parti-pris de l’audace avait été écarté : aucun artiste de grand renom n’a -apparemment- concouru et on n’est pas allé en chercher. Geneviève Asse, par exemple, à qui Beaubourg ouvre ses portes, aurait été magnifique dans un tel exercice. Quant aux «nouveaux » venus – depuis 20 ou 30 ans quand même ! - sur les cimaises des galeries ou des musées (et pourquoi pas Murakami ?, Mathieu Mercier, Pascal Convert, Pierre et Gilles…) ils ne sont pas entrés en lice et n’ont pas été conviés, semble t-il. Quelle occasion manquée !
Le parti-pris général, j’imagine, a été de faire confiance à un artiste qui ne fonce pas dans l’aventure, qui n’aille pas vers l’abstrait. (Quelle horreur l’abstraction pour nos élites des administration !… )Avec ses images bien figuratives de Catéchismes, il pouvait séduire les religieux et même les profanes pressés… Et c’est ce qui est advenu. Le parti-pris de l’audace avait été écarté : aucun artiste de grand renom n’a -apparemment- concouru et on n’est pas allé en chercher. Geneviève Asse, par exemple, à qui Beaubourg ouvre ses portes, aurait été magnifique dans un tel exercice. Quant aux «nouveaux » venus – depuis 20 ou 30 ans quand même ! - sur les cimaises des galeries ou des musées (et pourquoi pas Murakami ?, Mathieu Mercier, Pascal Convert, Pierre et Gilles…) ils ne sont pas entrés en lice et n’ont pas été conviés, semble t-il. Quelle occasion manquée !
Patatras, badaboum, ploum,
ploum… Nous voilà donc hélas chargés collectivement, nous et notre postérité, par
une œuvre datée, déjà vieille, et qui devrait rester en place plusieurs
siècles. J’en suis navré. Et je ne suis
pas sur que nos petits-enfants nous disent merci.
Jacques Bouzerand