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C'est quoi ce blog ?

Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

mardi 15 avril 2014

Ye Funa : Jusqu'au vertige...



ll y a d'abord comme un effet de déjà-vu. Vous voyez de quoi je parle ?  Je le précise par une autre question : « Qui n'a jamais ressenti, au moins une fois, le sentiment d'avoir déjà-vu un endroit jusqu'alors inconnu, déjà rencontré une personne que l'on ne connaît pourtant pas, ou encore déjà vécu un évènement totalement nouveau ? »  demande ainsi, interrogeant ce phénomène paranormal, Sarah Lainé dans « Doctissimo ». Là,  avec le travail de Ye Funa, c'est un document, un simple – dans l 'apparence - document photographique, qui est au centre de l'attention. Et qui déroute. Naturellement. Et qui vous  entraîne dans cette faille provoquée par le décalage entre ce qui est et ce qui a été ou ce qui a pu être.  Et, aussi entre ce qui est et ce qui est peut-être ou qui n'est pas...  Vertige.

Nous voilà donc enveloppés dans le questionnement existentiel, celui d'Hamlet et celui de Pascal. Vous voilà pris dans un jeu de fausses perspectives, de fausses réalités  Vous-même, vous êtes et en même temps vous n'êtes plus. Vous n'êtes plus ce que vous êtes. Vos repères ont pris la ligne de fuite. Repères d'espace, de temps, de reconnaissance des visages, des attitudes et des lieux. Tout s'est enfui. Comme par magie, comme par accident.  L'équilibre du cycliste le plus accompli est des plus précaire. Un caillou suffit pour le désarçonner. Et le piéton lui-même lorsqu'il réfléchit à la façon dont il marche et décompose le mouvement, s'embrouille les pinceaux et finit par tomber. Et même si « un coup de dé jamais n'abolit le hasard », ici un coup de biais suffit pour abolir le réel.
 
Dans l'exposition qu'elle nous présente à la Galerie Pièce Unique à Paris, (1), Ye Funa, née en 1986 à Kumming en Chine, qui vit et travaille à Pékin, a joué sur des comparaisons. Elle a imaginé une confrontation entre des images de familles anciennes ou les images reproduites dans les années 50, pendant le règne de Mao Tse Toung – comme on écrivait - par la revue « Nationalities Pictorial » et les photographies qu'elle a prises elle même. Celles  de membres de sa famille ou d'amis qui se sont vêtus et comportés comme les personnages des images stéréotypées et officielles fournies jadis par la propagande du Parti Central Chinois de l'époque.

Dans cette juxtaposition dialectique, dans ce combat entre deux visions de l'humanité et à travers eux, naît le discours nouveau et incisif d'une révision de l'histoire et d'un questionnement de l'art.

Jacques Bouzerand

1)  Galerie Pièce Unique, 4, rue Jacques Callot et 26, rue Mazarine, Paris 6è

jeudi 10 avril 2014

Didier Chamizo : Visite d'atelier


Une exposition à grand fracas n'est pas toujours nécessaire pour constater qu'un artiste avance dans son travail. Et qu'il avance à grands pas, dans sa voie certes, avec son tempérament, sa dynamique, ses obsessions –disons ses  références- mais aussi avec  une vigueur qui retrouve toujours une nouvelle fraîcheur.  



Didier Chamizo nous a toujours étonné en imaginant des personnages sortis à la fois de la réalité de notre légende quotidienne, de notre imaginaire « people », de nos feuilletons de la vie et de sa propre cuisine mentale et picturale.  Mais surtout, et c'est là sa force et sa singularité d'artiste, il a su fabriquer avec ce matériau qu'il choisit et qu'il interprète des icônes qui demeureront dans l'histoire de l'art, dans la muséographie, dans les collections de privilégiés,  comme les témoignages irremplaçables de notre société bizarroïde de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle.
 
Le château de Versailles a eu la sereine idée d'installer, voilà quelques années dans ses murs, devant ses glaces miroirs et sous ses dorures séculaires, les personnages et les représentations peintes ou sculptées d'un Murakami ou d'un Jeff Koons. C'était à la fois extravagant et superbe. Moi, sans aller chercher au Japon ou aux Etats-Unis, les œuvres époustouflantes d'autres  maîtres de l'art international, chantés par les revues et encensés par le Marché de l'Art, j'y verrais bien, aussi, un jour, les créations de ce maître français qu'est Didier Chamizo. 

Car ce peintre – et sculpteur - est un portraitiste de haut vol qui dans une figure inscrit ce qui en fait une image mythique.  Lorsqu'aujourd'hui on évoque le roi Louis-Philippe, aussitôt surgit à l'esprit la célèbre portrait en forme de poire qu' Honoré Daumier en a décliné. Les caricatures de De Gaulle par Moisan dans « Le Canard enchaîné » ont marqué durablement les septennats du Général. Les figurines de Jacques Chirac, de Dominique Strauss-Kahn, de François Hollande pour les Guignols de l'info sur Canal +, etc… ont eu, ont encore des effets puissants sur la représentation de l'image de ces politiques dans l'esprit des publics, des citoyens. On assure même que le « Chirac à la pomme » ou le « Chirac aux couteaux plantés dans le dos » ont renversé l'image raide et impossible du candidat RPR  à la présidence de la République et même lui ont au total fait gagner l'élection…  Elles demeurent dans l'imaginaire collectif. Or il ne s'agissait pas pourtant  d'images conçues pour durer. Elles n'avaient, n'ont pour office que d'animer les sketchs de séquences télévisées. Lorsque l'image « caricaturale » s'enrichit par la qualité de sa composition, l'installation subtile de sa thématique, la justesse et l'esthétique des ingrédients… elle change de statut. Elle devient œuvre d'art. Il y a de l'universel dans la caricature lorsqu'elle est artistique
J'ai eu la chance, ces derniers jours, de voir quelques pièces du travail récent de ce travailleur infatigable. Didier Chamizo est toujours armé de son sens pointu du détail qui tue ou qui fait mouche. La perfection formelle  de ses réalisations est irréprochable. 

Son « Luis XIV » entouré de donzelles, ses « Demoiselles d'Avignon » inspirées librement par le Peintre des Peintres, son « Mickey –Wador », ou son « Karl »… Lagerfeld… sont irrésistibles d'humour, de punch, d'efficacité. 


Ces tableaux, ces sculptures portent inscrit sur leur surface leur part de critique sociale, de philosophie politique ou de philosophie tout court. Ce sont des œuvres d'art. Mais ça, on le savait !

Jacques Bouzerand