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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

dimanche 21 mars 2010

François Sentein, (1920-2010), témoin d'un époque furieuse

Alors qu’il ne lui manquait que quelques jours pour atteindre son 90ème anniversaire, François Sentein est mort à Paris au début du mois de mars. Son prénom de baptême était Félix, il lui avait préféré François. La vie de cet écrivain est une illustration de cette jeunesse intellectuelle âgée de 20 ans à l’aube de la Seconde guerre mondiale qui certes ne répond pas à l’appel du général de Gaulle et de la Résistance mais se faufile à travers les mailles du filet de la guerre pour vivre de sa plume et de son esprit sans « collaborer » avec les Nazis. Par formation familiale et sociologique il fait confiance à Pétain au moins un temps. Il s’efforce surtout d’en réchapper… Son témoignage écrit de quatre livres peint une fresque ébouriffante de cette période extravagante qui vit tant de têtes tourner et tomber.

Né le 20 avril 1920 dans le Languedoc de l'entre deux guerres dans une famille patricienne de Montpellier, il avait été élevé dans une famille monarchiste. Apprenant à lire et à écrire à domicile, il n’est allé à l'école qu'à neuf ans avant de poursuivre ses études dans un collège de jésuites, d'où il sera exclu pour indiscipline. À 14 ou 15 ans, il se passionne déjà pour la politique et il est impressionné par Charles Maurras, le dirigeant de l'Action française.

Élève ensuite du lycée de Montpellier, il est reçu au baccalauréat de philosophie en 1937. À la rentrée suivante, il part pour Paris, prépare son entrée en khâgne au lycée Condorcet sur les conseils de Pierre Boutang. Il passe un certificat de licence de psychologie. En septembre 1938, par curiosité de ce qui se passe dans cette Allemagne voisine dont on parle tellement, il se rend à Nuremberg puis à Munich et assiste éberlué aux parades nazies, apercevant dans les rues, à deux pas de lui Hitler et Goebbels. Alors qu'il prépare son troisième certificat de licence en octobre 1939, il devient professeur de cinquième (français, latin, histoire) à l'Enclos Saint-François à Montpellier ( obtenant ce poste par l’entremise de Maurice Clavel, normalien, nommé professeur de philosophie à Nîmes). Insatisfait, en décembre 1939, il repart pour Paris où il va chercher du travail dans un journal. Il entre au mensuel ''Combat'', où il rencontre Thierry Maulnier, Maurice Blanchot...

En avril 1940, François Sentein après un séjour d’une semaine à Montpellier, il revient à Paris où il travaille à l'éphémère ''La Liberté'', rue du Croissant, amis seulement jusqu'à la fin de mai. Il revient alors dans le midi, va à Marseille, à Lyon, à Vichy... Puis il remonte à Paris en septembre 1941. Il écrit alors pour divers périodiques ''Idées'' (rubrique du théâtre); ''France, revue de l'État nouveau''; ''Les Cahiers français''... Mais surtout, au fil des jours, il écrit son journal, ses ''Minutes'' qu’il a commencées à Collioure en 1938 et qui seront publiées alors qu'il a déjà 80 ans au "Promeneur", maison d'édition dirigée par le subtil et raffiné Patrick Mauriès.

En octobre 1941, François Sentein devient chef de chantier, chargé de l'enseignement général, dans un des nouveaux Chantiers de la jeunesse française lancés par le maréchal Pétain. En 1945, lors de la Libération, il est démis de ses fonction de responsable pédagogique par une commission d'épuration. Il devient professeur dans l'enseignement privé. et arrondit ses fins de mois grâce à des piges et des travaux dans l'édition. Il devient ainsi le « nègre » de l'actrice Cécile Sorel qu'il aide à écrire ses mémoires. En 1954-55, il est, après Jacques Laurent, rédacteur en chef de la revue ''La Parisienne'' où écrivent les Hussards : de Roger Nimier à François Nourrissier. Dans les années 1960, François Sentein publie dans le journal ''L'Aurore'' une chronique quotidienne consacrée aux prénoms. Dans les années 1970-1980, il est professeur de lettres au lycée sports-études de Font-Romeu où il continue de pratiquer athlétisme, ski de piste et ski de fond


Ce récit d’une vie qui semble malgré tout bien peu affriolante ne dit rien de ce que fut la vie intellectuelle de François Sentein. Dans le Paris de l'avant-guerre, de la guerre, de l'occupation puis de la Libération, il rencontre en effet beaucoup des célébrités de la littérature : Jean Cocteau, Jean Genet, Henri de Montherlant, Roland Laudenbach, Claude Roy, Maurice Clavel, Kléber Haedens, Ramon Fernandez, Claudine Chonez, Thierry Maulnier, Maurice Blanchot, Marcel Jouhandeau, Maurice Sachs, François Monod, Jean Wahl, Drieu La Rochelle, Jacques Laurent (alors Laurent Cély et plus tard Cécil Saint-Laurent), Jean Boullet, Jean-Paul Sartre, Jean Hugo, l'éditeur Robert Denoël... Non seulement il rencontre ces célébrités mais souvent il travaille avec elles, pour elles. Notamment avec Jean Cocteau et Jean Genet qu’il aide à présenter ses manuscrits… Ce témoin précieux disparu, que d’ombres resteront à jamais sur le paysage de cette France du clair-obscur qui a eu le malheur d’être étouffée et salie par les relents pestilentiels du conflit mondial et les haines épouvantables forgées dans les cervelles de quelques dictateurs fous.

JB

== Les Œuvres de François Sentein ==
* ''L'Assassin et son bourreau : Jean Genet et l'affaire Pilorge'', Éditions de la Différence|, ISBN|2-7291-1242-1
* ''Lettres au petit Franz'' (1943-1944), avec Jean Genet et Claire Degans, [Gallimard, ISBN|2-07-075778-1
* ''Minutes d'un libertin, 1938-1941'', Gallimard |Le Promeneur, ISBN|2-07-075984-9
* ''Nouvelles minutes d'un libertin, 1942-1943'', Gallimard|Le Promeneur, ISBN|2-07-075751-X
* ''Minutes d'un libéré, 1944'' Gallimard|Le Promeneur, ISBN|2-07-076540-7
* ''Minutes d'une autre année, 1945'' Gallimard|Le Promeneur, ISBN|2-07-076621-7
* Les Prénoms, Collectif sous la direction de François Sentein, Éditions Horay- 1959

5 commentaires:

  1. Salut ami d’Outre-Atlantique et un beau bonjour du Québec; merci du partage. C’est tout à fait par hasard, au gré de mes explorations des blogs, que j’ai atterri ici.

    Intéressant et très instructif ce blog, dis donc. Bravo! (Moi, je suis plutôt philosophique).

    NOTE. Mon blog parle de la connaissance de soi. Si le coeur t'en dit, tu es bienvenu.

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  2. Pour autant que je sache, RIVAROL est le seul journal qui a publié une nécrologie de François Sentein dans son N° du 19 mars

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  3. Je crois également. Et un bon article dans Valeurs actuelles. Il faut lire aussi la page François Sentein dans Wikipedia

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  4. J'ai moi-même eu François Sentein comme professeur à Font-Romeu de 1971 à 1974.
    Aujourd'hui encore je ne peux rien lire sans me demander ce qu'il en aurait pensé tant cet esprit vif et libre a laissé sa marque sur moi.
    J'ai tenté de retrouver sa trace il y a quelques années... seules les nécrologies me l'ont fait retrouver.

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  5. J'ai moi-même failli le rencontrer. C'était hélas quelques semaines avant sa mort. Je l'avais invité à déjeuner et il avait suggéré que nous nous retrouvions au Café de Flore où il voulait manger un welshrarebit. Nous avions rendez-vous à 13 heures. À 14 heures 15 ne le voyant pas arriver, je suis allé jusque chez lui rue de Seine. Une voisine m'a dit qu'elle ne l'avait pas vu. Je suis monté à son palier. J'ai frappé à sa porte. Personne. Je lui ai laissé un mot. Et je l'ai eu au téléphone le lendemain. il s'est excusé d'avoir manqué mon rendez-vous, il s'était trompé d'heure n'ayant pas de montre. Comme je quittais alors Paris pour quelques semaines, nous devions nous voir au début de l'année suivante. Hélas, il est mort avant que je ne puisse bavarder avec lui qui avait tant de souvenirs à partager...

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