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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

dimanche 14 avril 2013

Aubertin au Mamac (Nice) : Vous avez dit rouge ?


Ce qui est passionnant avec l’œuvre de Bernard Aubertin, c’est que ce travail excelle à démontrer l’infinie liberté de la peinture. Originaire d’un point « p », elle peut, par la volonté de l’artiste, par son imagination, par ses talents…, s’épanouir dans des horizons extrêmement éloignés de ce point de départ. Même si elle lui est reliée par des liens ténus.

Le point d’origine de la peinture de Bernard Aubertin se situe dans l’orbite d’Yves Klein. Il y a un avant et il y a un après Klein. Avant, Aubertin ne se satisfait pas de ce qu’il peint, tableaux abstraits ou figuratifs. Il n’aime ni ce qu’il fait, ni ce qu’il  voit dans les expositions. Après ? C’est Aubertin lui-même qui le raconte dans un des textes du catalogue publié à l’occasion de l’exposition « Bernard Aubertin, la nature des choses », consacrée à l’artiste par le Mamac, le Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice, du 9 février au 26 mai 2013.

Au début de 1957, Aubertin, 27 ans,  rencontre Yves Klein qui l’invite à lui rendre visite dans son atelier du 9, rue Campagne-Première, à Montparnasse. Il y voit « ses premiers tableaux monochromes, de couleurs différentes, orange, noir, vert clair, jaune – la période bleue n’avait pas encore commencé. (…) Face à ses tableaux, (…), j’eus une révélation : la couleur libre, pure… (…). Il me fallait être un peintre monochrome». 

À 72 ans, Bernard Aubertin, établi à Reutlingen  en Allemagne, revenant sur son parcours artistique, relève que la caractéristique de son œuvre est d’abord, « la composition sérielle et l’ordonnance régulière de ses tableaux ».  « Certes, ajoute t-il, je peins monochrome et je fais des œuvres de feu, mais la comparaison avec Yves Klein s’arrête là ». Même si à cette référence doivent être additionnées les interférences d’Aubertin avec le « groupe Zéro » de Düsseldorf et ses fondateurs, Heinz Mack, Otto Pienne et Günther Uecker (le frère de Rotraut, épouse d’Yves Klein)…, auxquels Yves Klein l’a présenté et qui développent une sensibilité proche de la sienne.

Ces rencontres, dans le creuset de l’artiste en devenir, révèlent Aubertin à lui-même.  Elles déclenchent son propre processus de création. Dès lors, l’artiste trouve sa voie. C’est d’abord une couleur. « Un coup de poing sur la table : du rouge, du rouge, du rouge ! Énergie transmise… Le feu restitué » clame t-il. D’autres couleurs se succèderont : le noir, le blanc, l’argent, l’or, mais également du gris, du marron, du jaune… sans abolir cet engagement fondamental. C’est dans la monochromie qu’ il fonde ses repères cardinaux, son « quatuor plastique : espace, temps, mouvement, énergie ».

L’artiste explique parallèlement qu’il ne « considère jamais le tableau comme terminé ». «  Je souhaite, explique t-il, que le spectateur comprenne que je peins des tableaux qui sont le résultat d’une inlassable répétition. Je voudrais que le spectateur ne s’arrête pas à l’aspect plaisant du tableau, au choc émotionnel que lui procure la vision de la couleur seule, en bref, qu’il ne prenne pas pour œuvre achevée, à contempler, ce qui n’est qu’un moment de peinture ».

La voie d’Aubertin, c’est aussi d’appliquer sa pratique du monochrome non seulement à la surface plane de la toile, mais aussi à des forêts ordonnées de clous, à des tronçons de poutres, à des agencements de fil de fer, à des surfaces poinçonnées de milliers de trous, à « des dos de cuillères, des serviettes éponge, des allumettes plus ou moins longues… », c’est à dire à des matériaux qui viennent parler d’eux même. Lorsqu’Aubertin embrase ses tableaux de feu, enflamme page à page, ses livres (de grande série) c’est moins pour garder la trace du feu, sa mémoire évanouie, son fantôme que pour conserver l’effet concret du feu sur ce qu’il a brûlé.

On le conçoit du coup clairement, avec Aubertin, nous sommes à cent lieues de la philosophie d’Yves Klein. Dans une tout autre conception métaphysique. Dans de tout autres concepts. Là où Klein aspirait patiemment et impatiemment à atteindre l’Immatériel, Aubertin, lui, s’exprime, dans un parfait matérialisme objectif. On est plutôt dans la veine du « Parti pris des chose » de Francis Ponge.

« La nature des chose » au  Mamac, comme l’an dernier à Paris, « Rouge », l’exposition de Bernard Aubertin,  à la galerie Jean Brolly – associé à l’exposition- ou les très nombreuses expositions qui sont régulièrement montrées à travers le monde permettent de saisir la spécificité et la de cet artiste. Par sa pratique qu’il veut laborieuse, par la diversité de son expression qu’il veut objective et par ses visées humanistes, Aubertin trouve sa place dans la liste étroite des artistes contemporains qui comptent.

Jacques Bouzerand


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