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Paris, France
Ce blog est celui de la conversation libre. Autour des arts, des livres, de la télévision ou de tout autre sujet de culture mais aussi - n'est-ce pas culturel ? - de la politique. C'est dire, simplement, que sur ce blog on parlera de tout. Je le nourrirai au rythme de mon inspiration, de mes rencontres, de mes visites, de mes lectures, de mes poussées d'admiration ou de colère aussi. Que chacun, ici, intervienne. Que l'on discute les uns avec les autres.. Voilà l'ambition de ce blog. Un mot encore sur le titre. "Mon oeil", c'est ce que je vois, mais c'est aussi, vieille expression, une façon de dire que l'on n'est pas dupe et que l'esprit critique reste le maître contre par exemple le "politiquement correct" et contre les idées reçues, de droite comme de gauche. ************************************************************************************* Pour les amateurs d'art, je signale cet autre blog, plus spécialisé sur l'art et les artistes, les expositions, les formes d'expression d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui: http://monoeilsurlart.blog4ever.com/blog/index-350977.html

dimanche 24 mars 2013

Garrett Pruter : Toute la mémoire du monde...







On est d’abord frappé, happé,  par la matière de ces panneaux. Ce pourraient être des dalles de marbre tranchées dans des veines calcaires légèrement colorées, mouchetées de rose ou de brun… On se rapproche.  Non, ce sont de vrais tableaux, des toiles dont la surface renvoie seulement à cette vision minérale. Pas des trompe-l’œil : la surface n’est pas peinte, travaillée dans le dessein d’une imitation du réel. Les toiles ont recueilli et conservé, accrochés à leur trame blanche de lin, de minuscules fragments, de tous petits agglomérats qui s’organisent en très  légères vagues. À la manière un peu d’une limaille de fer  qu’oriente, hors du champ de vision, un aimant. Mais sans ces lignes de force nettes et géométriques ou paraboliques que l’on décrypte dans les livres de science au chapitre électricité. Pour un peu on serait dans du monochrome, gris-rosé plus ou moins clair ou foncé, plus proche de Bernard Aubertin (1) que d’Yves Klein… Mais en écrivant cela, en décrivant ce que l’on voit, on n’a pas épuisé le sujet. Ni le propos de l’artiste. Loin s’en faut.

Dans la toute nouvelle galerie, ouverte, rue Chapon, dans le III ème arrondissement à Paris, par Virginie Louvet ( passée sous la férule de Me Binoche et de Daniel Templon) , voici  - pour quelques jours encore, dépêchez-vous d’y aller - une découverte.

Garrett Pruter a vingt-cinq ans. Il est californien. Il vit et travaille à Brooklyn. Ce jeune artiste qui a suivi les bonnes écoles, est diplômé comme il le faut, (à la Parsons School of Design de New-York, en 2010), s’était fait une belle réputation new-yorkaise en découpant en petites parcelles des milliers de photographies et en reconstituant avec ces bouts de papier des images composites. Et superbes.

Il a, ici, débordé de ses limites. Et, d’une certaine façon, il a inventé non pas un langage mais un nouveau mode de stockage de l’information artistique. J’explique.

Garrett Pruter, de longue date, est allé à la chasse ou à la pêche aux photographies d’amateurs restituant des moments de vie : repas familiaux, vacances à la plage, courses cyclistes, animaux familiers… Dans ses filets, il en a ramené des milliers.. Il se sert de ce matériau qu’il coupe et recoupe pour obtenir des atomes de photographies qu’il ré-assemble sur la toile. En nouveaux paysages… Ici, il ne s’est pas contenté de fragmenter des photographies, de les hacher menu, il en a gratté la mince surface pour récupérer la gélatine et les pigments. Cette fine substance qui a porté et constitué l’image, qui a été l’image, qui a contenu et figuré tant de personnages, de situations, de paysages… est désormais réduite en une poussière, puis en une pâte.  Celle-ci est alors mélangée à quelques autres ingrédients, des particules d’aluminium,  de la térébenthine, de l’huile de lin qui lui confèrent de la luminosité et permettent de la fixer sur la toile. Ce qui donne naissance à ces tableaux inédits.

Le Big-bang, on le sait (?), a créé  ce que les savants appellent la « soupe primordiale », ce maëlstrom d’électrons  qui peu à peu se sont différenciés pour engendrer les galaxies, les univers, les êtres animés…
La « soupe primordiale » de Garrett Pruter, cette pâte qui devient œuvre,  contient comme l’adn de ce qui y a été incorporé, images disparues. Ces tableaux si concrets, si matérialistes dans leur fabrication, et si lisibles dans cette apparence, sont en vérité des réceptacles de souvenirs enfuis, dispersés, lointains. Ils concentrent dans leurs à-plats,  œuvre après œuvre,  toute la mémoire du monde.

Jacques Bouzerand


" Wish you were here " jusqu'au 6 avril 2013. Galerie Virginie Louvet. 48,rue Chapon. Paris III ème. Exposition sous le commissariat de Cecelia Stucker.



Untitled IV, 2013
Photographic pigment, aluminum, turpenoid, and linseed oil on canvas.
27.5" x 35. Galerie Virginie Louvet
Flesh 2, 2012
Cut up sunsets on paper
30" x 40" Galerie Charles Bank NY


 The Universes, 2012
Cut up Digital C-Print of found photograph, found poster
30" x 40" Galerie Charles Bank NY

FLESH (MIXED SIGNALS), 2011
Cut-up vintage Playboy and Penthouse magazines on paper
30 x 40 in 76.2 x 101.6 cm Galerie Charles Bank NY

Ship Wrecked, 2012
Cut up Digital C-Print of found photograph, found poster
30" x 40" Galerie Charles Bank NY


(1) Bernard Aubertin (né en 1934, vit et travaille à Reutlingen, Allemagne) Il rencontre Yves Klein en 1957 à Paris. À la suite de cette rencontre il réalise ses premiers monochromes rouges. Dans le cadre de la saison "Imaginez l'Imaginaire", 28.09.12 - 30.09.13, Palais de Tokyo, Paris  et Bernard Aubertin
La nature des choses  9 février - 26 mai 2013 au Mamac, à Nice. 


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