Ce qu’il peut être
énervant ce Dominique de Villepin ! Adulé, beau garçon, ministre, premier
ministre, il écrit bien, il aime Zao Wouki (qui lui a dessiné son ex-libris),
… Vous rêvez d’une bibliothèque où il y
aurait tous les livres que vous enviez. Il l’a… La barbe à la fin. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac,
retiré de la politique pour mener une carrière renouvelée dans le Barreau, se
paie le luxe inouï de se séparer de ses livres. Dans une pirouette à la
Magritte, dans la préface du superbe double catalogue, « Feux et flammes », qu’a consacré à
cette dispersion la société de ventes Pierre Bergé et associés, DDV
écrit : « Ceci n’est pas une collection ». Mais il ajoute
aussitôt : « Il y a dans cette entreprise l’expression d’une
recherche personnelle, d’un itinéraire fait de rencontres et de retrouvailles,
d’interrogations et de doutes. »
Le beau texte qu’a
rédigé l’ancien premier ministre aide à mieux comprendre sa décision de prendre
le large loin de ses trésors de bibliophile : « Dans ces documents,
je respire à pleins poumons le grand air de liberté et d’idéal qui a fait le
souffle de la France pendant tant de siècles. Un souffle, je dois l’avouer, que
je ne trouve plus guère en dehors des vestiges, des traces, des signes du
passé. » (…) « Pourquoi cette vente ? Parce qu’il y a des
moments dans la vie où on a besoin, plus qu’à d’autres, de sens et
d’unité. » (…) « C’est aussi, peut-être, une façon de me
convaincre, preuves à l’appui et sous l’égide des grands anciens, qu’il n’y a
pas de fatalité à la médiocrité politique. »
Autographes,
dédicaces, éditions originales… la bibliothèque de DDV contient ce qu’il y a de
meilleur et de plus recherché. Et de
plus varié aussi. Deux ventes seront donc consacrées à cette mine d’or. La
première, le jeudi 28 novembre, intitulée : « Les voleurs de
feu ».
Chronologiquement,
le premier ouvrage proposé est un livre de La Boétie : « Vive
description de la Tyrannie & des Tyrans, avec les moyens de se garentir (sic)
de leur joug » (1577) – estimé de 30 à 40 000 € - . Passons rapidement sur
les Montesquieu, Voltaire, Chateaubriand, Lamartine, Lamennais, Nerval,
Michelet, Hugo, Tolstoï (les épreuves corrigées de « La Famine » -60
à 80 000€-), Verlaine, Whitman, Zola – signalons l’exemplaire de « L’Aurore » du
« J’Accuse » –estimé de 6 à 8 000 € -, Vallès, Péguy, Jaurès, Blois, Alain, Barrès,
France…
Passons sur Céline,
Apollinaire, Cendrars, Rolland, Péret, Vacher, Drieu, Gide, Artaud, Mauriac,
Éluard, Saint-Exupéry, Senghor, Césaire, Aragon, Genet, Debord, Alleg,…
etc .etc. L’ensemble des éditions
des « Manifestes surréalistes » d’André Breton ( 4 volumes en
exemplaires parfaits) est estimée de 20 à 30 000 €. « Les aventures de
Tintin, reporter du petit « vingtième » au pays des Soviets » en
édition originale, Bruxelles, 1930, volume estimé de 20 à 30 000 €. L’édition
originale de « La condition humaine », dédicacée par André Malraux à
Céline est estimée de 30 à 40 000 €. « L’homme révolté » de Camus,
dédicacé par Camus au Castor, à Sartre est estimée de 40 à 60 000 €. « Les Mémoires de Guerre » de
Charles de Gaulle, « L’Appel , 1940-42 » de 1954 est là. C’est l’exemplaire
adressé par Charles de Gaulle à Roger Nimier. « À Roger Nimier dont j’apprécie
fort le talent, avec le témoignage de mes meilleurs sentiments. C. de Gaulle,
20 octobre 1954 ». Ce à quoi Roger Nimier a ajouté son propre post-scriptum : « Et dont je n’estime pas le
suicide », rédigé sans doute vers 1960, en raison d la politique
algérienne du général que l’écrivain s’apprêtait, au moment de sa mort en 1962,
à caricaturer sous le titre « La grande Zorah ». 241 numéros composent
cette première des deux ventes
d’exception qui se tiendront les jeudi 28 et vendredi 29 novembre à Drouot-Richelieu.
La seconde
dispersion, celle du 29, comporte 301
numéros. Elle est intitulée :
« Les porteurs de flammes ». Elle démarre avec Charles Quint, excusez
du peu, pour un texte manuscrit du 30 mai 1535, signé à Barcelone et portant
sur l’Organisation du royaume (est. de 6 à 8 000 €). Suit un Machiavel in 16,
fort de 778 pages, qui contient « Les Discours de l’estat de paix et de
guerre » … « Plus un livre du mesme aucteur intitulé le
Prince », Paris 1571 (est. de 2 à 3 000 €).
Tout ce que la
France politique et historique a compté de personnages marquants est très souvent ici représenté par un autographe. Le
simple énoncé des noms –et on en passe, bien sûr - est un régal : Louis XIII, Richelieu,
Mazarin, Louvois, Marie-Thérèse d’Autriche, La Fayette, Camille Desmoulins (
avec notamment le manuscrit des notes pour sa propre défense dans sa plaidoirie
contre le rapport accusatoire de Saint-Just - est. 30 à 40 000 € -), Marat,
Fouquier-Tinville… Arrêtons nous un instant sur l’exemplaire imprimé sur peau
de vélin, en 1791, de la « Constitution française » qui appartenait à
Armand-Gaston Camus, l’un des signataires de la Constitution (est. 30 à 40 000
€)…
Reprenons avec
les autographes: Bonaparte puis Napoléon Ier, puis Louis-Napoléon Bonaparte,
Pasquale Paoli, Cadoudal, Talleyrand, Fouché, Carnot, Ney, Fourier, Proudhon,
Blanqui, Barbès, Thiers, Tocqueville, Bugeaud, Gambetta, Louise Michel, Herzl,
Trotski, Maurras, Clemenceau… Avançons : Millerand, Krotopkine, Gandhi, Mussolini, Göring, Pétain, Léon Daudet, Jean Zay… , un manuscrit de Charles de Gaulle, une
réflexion autour de Napoléon Ier, écrite à Trèves en 1928 (est. 10 à 15 000 €).
Plusieurs livres du Général avec des
dédicaces sont aussi proposés, dans de bonnes et rares éditions.
Il faut noter que
DDV collectionnait et cède aussi des photographies de personnages ou de moments
historiques : Lénine, Trotski, Liebknecht sur son lit de mort, Clemenceau
à la chasse au tigre en Inde, Hitler, Gandhi et Nehru, Churchill, Khrouchtchev,
Krumah, Mao, Nasser, la fratrie Kennedy, Lee Harvey Oswald, Pompidou,
Mitterrand, Che Guevarra, des affiches de Mai 68, Gorbatchev… Le catalogue se
clôt sur des ouvrages qui ne se trouvent pas là par hasard : les deux
volumes de la revue "Tiqqun", organe du Parti imaginaire, 1999-2001, très lue à Tarnac et « The end of history
and the last man » de Francis Fukuyama, en édition originale.
Jacques Bouzerand
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